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Démantèlement de l’Usaid : « La solidarité internationale vit des heures historiquement sombres »
Face au gel des aides américaines et à la baisse de l’aide publique au développement en France, le docteur Jean-François Corty, président de Médecins du monde, alerte sur les conséquences de telles décisions pour des millions de personnes à travers le monde, notamment sur la santé.
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Cette tribune a été publiée dans La Croix le 27 février 2025.
La solidarité internationale vit des heures historiquement sombres. Sous l’impulsion de Donald Trump, le secrétaire d’État Marco Rubio a ordonné, le 24 janvier 2025, la suspension immédiate des projets financés par les États-Unis et le blocage de toute nouvelle initiative pour une durée de quatre-vingt-dix jours. Les fonds gelés avoisinent les 70 milliards de dollars destinés au département d’État et USaid, l’agence des États-Unis pour le développement international, soit près de 40 % du financement de l’aide humanitaire mondiale totale.
De manière moins flamboyante mais tout aussi grave, le budget récemment voté de l’État français pour 2025 ampute lui aussi l’aide publique au développement à hauteur de 2,1 milliards d’euros. C’est 37 % de moins par rapport à 2024, après une coupe de près de 800 millions d’euros il y a quelques mois. Par ailleurs, la plupart des pays européens, dont l’Allemagne, ont annoncé fin 2024 une baisse générale de 30 à 40 % de l’aide publique au développement sous pression des partis d’extrême droite.
Globalement, des pays parmi les vingt plus gros donateurs de l’aide internationale – ils représentent à eux seuls plus de 95 % du financement du système de l’aide – ont décidé de manière plus ou moins brutale la baisse de leur contribution. Ils participent au chaos systémique actuel, avec des conséquences humaines désastreuses et alors que les besoins sont immenses.
Mise en danger de millions de patients
Le gel des fonds de l’aide internationale américaine, sans garantie sur une reprise de celle-ci après la période de suspension, signifie concrètement que plusieurs millions de personnes vivant dans des situations de crises et de conflits et dont la survie est conditionnée à ce soutien n’y ont plus accès. Plusieurs secteurs sont concernés : la santé, la nutrition et la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable, la protection, la lutte contre et la réponse aux violences basées sur le genre, la lutte contre le VIH et les pandémies entre autres. Les exemptions annoncées sur l’aide humanitaire vitale restent en outre floues dans leurs modalités d’application.
Cette annonce américaine concerne dans le même temps les prêts fédéraux nationaux, induisant une pause des activités du National Institutes of Health, le plus grand institut de recherche biomédicale au monde, et du réputé Centers for Disease Control and Prévention (CDC). Le plan d’urgence du président pour la lutte contre le sida (Pepfar) est aussi impacté avec le licenciement immédiat de milliers de travailleurs de la santé, la fermeture de dispositifs de soins et des traitements interrompus pour des patients voués à une mort certaine.
Pendant cette période de pause, l’objectif du département de l’efficacité gouvernementale (Doge) d’Elon Musk est d’évaluer la compatibilité de toutes ces activités avec la ligne idéologique du programme de son président à l’échelle mondiale et nationale. Cela implique entre autres la négation de la diversité de genre, la remise en cause du droit des femmes en matière de contraception et d’avortement, tout en mettant en danger la vie de millions de patients ainsi que la protection de leurs données médicales confidentielles.
Défiance vis-à-vis du multilatéralisme
Dans ces conditions, force est de constater une attaque en règle contre la solidarité internationale, les mécanismes de gestion de crise et ses acteurs, agences des Nations unies comprises. En effet, en plus des sanctions contre la Cour pénale internationale dernièrement émises par Washington, les États-Unis et l’Argentine ont annoncé leur sortie prochaine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils entendent réaffirmer leur défiance vis-à-vis d’un multilatéralisme pourtant indispensable en matière de gestion des maladies émergentes, comme l’a montré la récente pandémie de Covid-19.
Face à ces décisions, la plupart des acteurs de l’aide se trouvent confrontés à des difficultés financières existentielles. En matière de financement, le modèle économique des ONG humanitaires varie d’une structure à l’autre. Certaines sont soutenues en grande majorité par des fonds étatiques, d’autres également par des fonds privés issus de la générosité du public et des fondations dans des proportions variables.
De fait, la plupart des structures qui dépendent en grande majorité de financements étatiques risquent de disparaître à court et moyen terme. Certaines ont déjà dû mettre au chômage partiel des membres de leur personnel et des projets ont d’ores et déjà été stoppés.
Un contre-pouvoir limité
En réalité, de nombreux pays, y compris occidentaux, ne considèrent plus les ONG comme des relais de « soft power » diplomatique, de surcroît quand celles-ci ne répondent pas à la radicalisation de leur ligne idéologique de moins en moins respectueuse des droits humains fondamentaux. Ces choix s’intègrent dans une stratégie plus globale de rétrécissement progressif de l’espace d’intervention des ONG indépendantes, à l’exemple de pays comme l’Italie qui n’hésite pas à imposer des codes de conduite et des procédures juridiques avec un impact restrictif direct sur les opérations de sauvetage en mer Méditerranée.
Occasionner la disparition de nombreuses ONG de solidarité internationale et nationale qui sont des émanations de sociétés civiles diversifiées revient à limiter l’expression de contre-pouvoir constructif. Et à assumer une régression démocratique flagrante qui nécessite une mobilisation générale de celles et ceux qui croient encore aux valeurs de solidarité et de liberté.
Dr. Jean-François CORTY, Président de Médecins du Monde