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À la frontière franco-britannique, la mort n’est pas une fatalité

A Calais, Dunkerque et sur tout le littoral de la Manche et de la mer du Nord, les politiques publiques à l’égard des personnes exilées à la frontière francobritannique sont marquées du sceau de la violence et de la mort.

Il y a d’abord l’absence d’hébergement et l’exclusion des personnes exilées vers les marges des villes. Il y a le harcèlement quotidien des personnes par les forces de l’ordre, les effets personnels confisqués, les tentes endommagées, les arbres coupés et les rochers posés sur les terrains qui font office de lieux de vie pour ces hommes, femmes et enfants (1). Tout cela ne tue pas directement, mais des personnes en meurent : percutées par un train qui traverse un terrain vague sur lequel elles étaient installées, noyées dans un canal en se lavant, intoxiquées dans une tente alors que, transies de froid, elles y allument un feu pour se réchauffer.

Il y a aussi la militarisation du port de Calais et du tunnel. Il y a les barrières et les barbelés, les caméras de surveillance et les détecteurs de chaleur et de CO2, il y a les chiens de détection (2). Tout cela ne tue pas directement, mais des personnes en meurent. Les si nombreux morts sur l’autoroute, sur les rondspoints, sur les parkings. Tous les morts à l’intérieur des camions écrasés par la marchandise ou étouffés dans des containers frigorifiques.

Gaz lacrymogène et coups de matraque

Il y a, depuis quelques années, les interceptions de bateaux sur les plages avant qu’ils ne soient mis à l’eau. Interventions des forces de l’ordre pour empêcher les départs à coups de couteau dans les bateaux pneumatiques, dispersion des personnes avec usage de gaz lacrymogène, lanceurs de balles de défense et coups de matraque. Tout cela ne tue pas mais des personnes en meurent : mouvement de panique sur la plage ou à bord des bateaux, noyade au cours d’une intervention, naufrage après des départs de plus en plus éloignés des côtes britanniques pour éviter les interceptions.

Et puis, il y a ce que nous, associations engagées en soutien des personnes exilées, entendons régulièrement de leur part, et documenté par les journalistes du Monde, de Der Spiegel et de The Lighthouse Reports : dans les eaux françaises de la Manche et de la mer du Nord, des gendarmes et des policiers interviendraient pour empêcher les traversées. Ils interviendraient alors que les bateaux pneumatiques sont déjà dans l’eau, en cherchant à effrayer les personnes, en les menaçant, en créant des vagues artificielles et en crevant les bateaux à coups de couteau.

Une mise en danger des vies des personnes exilées

C’est à Boulogne-sur-Mer, en 1825, que fut créée l’ancêtre de ce qui deviendra la Société nationale du sauvetage en mer. Là où il y a deux cents ans, la solidarité s’organisait pour sauver des vies en mer, aujourd’hui, des policiers et des gendarmes français mènent désormais des opérations en mer ou aux abords de cours d’eau qui peuvent mettre en danger l’intégrité physique, voire la vie, de nombreuses personnes.

Ces pratiques constituent un pas de plus dans la mise en danger des vies des personnes exilées à la frontière. Elles vont à l’encontre du droit de la mer qui prévoit que les Etats doivent porter assistance aux personnes en détresse en mer. Rien ne saurait les justifier.

20 personnes au moins sont décédées à la frontière franco-britannique depuis le début de l’année 2024, dont trois enfants. 414 personnes au moins depuis 1999 (3). Ces morts ne sont pas une suite malencontreuse d’accidents ; elles ne sont pas une fatalité.

Citoyennes et citoyens, médias, organisations de la société civile doivent sans relâche se mobiliser contre l’indifférence et la banalisation de ces drames et interpeller le gouvernement et les autorités publiques pour que cessent ces pratiques inhumaines et ces violations des droits fondamentaux. Les responsables politiques ont aussi une responsabilité particulière. La proposition par de nombreux députés de créer une commission d’enquête parlementaire sur l’action publique et sur le respect des droits des personnes en situation de migration à la frontière franco-britannique est une exigence démocratique. Nous la soutenons. Il est urgent de changer de politique, et de la marquer, non plus du sceau de la violence mais de celui des droits et de la dignité.

(1) Pierre Bonnevalle, «l’Etat français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique : harceler, expulser, disperser », 2022, parmi de nombreux autres rapports documentant ces pratiques. (2) Par exemple le dossier paru dans Julia Pascual, Mathilde Costil, Sylvie Gittus, «A Calais, la frontière bunker avec l’Angleterre repousse les migrants vers la mer», 3 février 2023. (3) https://apps.lesjours.fr/morts-calais /et https://calaismigrantsolidarity.wordpress.com/deaths-at-the-calais-border /1 Signataires : Caroline Cottet présidente du Refugee Women’s Centre (RWC), Xavier Crombé chef de Mission France pour Médecins Sans Frontières, Philippe Demeestère président de l’association Ecarts, Véronique Devise présidente du Secours Catholique – Caritas France, Marie-Charlotte Fabié directrice de Safe Passage International-France, Jean-Claude Lenoir président de Salam Nord /Pas-de-Calais, Yann Manzi délégué général d’Utopia 56, Henry Masson président de La Cimade, Florence Rigal présidente de Médecins du Monde-France, Pierre Roques délégué général de l’Auberge des migrants,
Jean-Claude Samouiller président d’Amnesty International France, François Sauterey coprésident du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, Nathalie Tehio présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), le conseil d’administration de Human Rights Observers (HRO).