Le 8 mars 2024, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) entrait dans la Constitution française. Un événement historique qui scelle la liberté pour les femmes de jouir de leur corps, de choisir d’être mère ou non, de décider quand être enceinte. Marie Lussier est référente plaidoyer sur les questions de droits et santé sexuels et reproductifs depuis 2018. Elle témoigne de l’enjeu essentiel que représente ce droit pour la liberté des femmes. Un droit qui peut toujours être remis en question.
OÙ EN EST L’ACCÈS À L’AVORTEMENT DANS LE MONDE ?
La tendance historique tend vers un assouplissement des lois. Depuis trente ans, plus de soixante pays ont libéralisé leur législation. Mais en 2022, les États-Unis ont provoqué une onde de choc mondiale en renversant le droit constitutionnel ! 25 millions de femmes américaines n’ont plus accès à l’IVG. On observe une montée en puissance des États et des mouvements conservateurs. En Hongrie, on oblige les femmes à écouter les battements de cœur. En Italie, plus de 65 % des gynécologues refusent de pratiquer les avortements et, depuis l’arrivée de Giorgia Meloni, les militants anti-avortement ont accès aux cliniques pratiquant l’IVG. On stigmatise, on fait obstacle pour rendre l’accès à l’IVG plus difficile. C’est invisible, donc c’est plus difficile à combattre.
QUELLE MENACE REPRÉSENTE L’EXTRÊME DROITE ?
Le fondement de l’extrême droite, c’est l’idée de la famille traditionnelle et patriarcale assortie d’une politique nataliste très forte. Elle doit maintenir la femme au foyer, dans son rôle de mère. Plusieurs membres du Rassemblement national sont liés à des mouvements conservateurs « anti-droits et anti-choix ». Ils ont également pris part à plusieurs conférences mondiales anti-avortement. Avec l’extrême droite, la question du droit des femmes est instrumentalisée à des fins racistes. Elle laisse entendre que les violences faites aux femmes sont intimement liées à l’immigration et s’exercent dans l’espace public. On sait pourtant que ces violences ont lieu dans tous les milieux et s’exercent le plus souvent dans le cadre conjugal, dans cette famille patriarcale qui leur est chère.
QUEL EST LE COMBAT DE MÉDECINS DU MONDE ?
L’OMS qualifie l’avortement d’urgence de santé publique et affirme que c’est un soin de santé essentiel qu’il faut légaliser dans tous les pays. Sept millions de femmes sont hospitalisées chaque année des suites d’un avortement non sécurisé et 40 000 en meurent. Tous ces décès sont évitables. À travers les années, nous avons rencontré de nombreuses jeunes filles et femmes souhaitant avorter, parfois en dépit des lois. Si nous, soignants, refusons, elles le font par d’autres moyens et se mettent en danger. Nous avons vu mourir des femmes pour rien. Et ce sont les plus pauvres qui meurent, les autres trouvent toujours une solution. C’est insoutenable. Médecins du Monde a donc décidé qu’il était grand temps de s’engager à ce que plus aucune demande d’avortement ne soit laissée sans réponse.