Vaccins Covid-19 : le ‘business as usual’ prime sur des priorités de santé
Alors que la Directrice Générale de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) promeut actuellement une approche de la « troisième voie » pour surmonter les inégalités d’accès aux vaccins dans le monde, 240 organisations de la société civile, dont Médecins du Monde, alertent sur l’inadéquation de cette stratégie fondée sur des accords bilatéraux volontaires, entre les détenteurs des brevets et leurs sous-traitants, pour augmenter les capacités mondiales de production de vaccins, drastiquement nécessaire pour mettre fin à la pandémie.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) continue de discuter ces jours-ci de la proposition que l’Inde et l’Afrique du Sud ont présentée en octobre dernier pour demander une suspension temporaire des brevets pendant la pandémie afin d’augmenter la production de vaccins et d’autres technologies de santé nécessaires pour lutter contre la Covid-19. Bien que soutenu par 103 des 162 pays qui composent l’OMC, les États les plus riches — y compris ceux de l’UE, dont la France — continuent de bloquer cette initiative.
La gravité de la pénurie mondiale de vaccins et l’échec des principales compagnies pharmaceutiques détentrices des brevets à rendre leurs technologies largement disponibles dans les pays en développement, ont contribué à remettre la proposition de l’Inde et de l’Afrique, ouvertement soutenue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au centre du débat. Par conséquent, plusieurs voix s’élèvent pour demander une dérogation aux droits de propriété intellectuelle auprès de l’OMC, ce qui serait à même de donner aux pays en développement la sécurité juridique qui leur permettait de produire localement les technologies de santé nécessaires à leur réponse à la pandémie de Covid-19.
Ce débat s’est posé dans de nombreux pays, y compris en Europe, où près de 350 députés nationaux et eurodéputés ont déclaré leur soutien à la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud. De son côté, la France continue à s’opposer publiquement à toute possibilité de considérer une levée des droits de propriété intellectuelle qui bénéficierait aux pays du Sud. Dès lors, le gouvernement renonce à reconnaître le problème de l’augmentation de la capacité mondiale des technologies de santé Covid-19 comme un problème de santé publique qui doit être adressé par la solidarité et la coopération.
Par conséquent, Médecins du Monde se joint à 240 organisations de la société civile internationale pour saluer, dans une lettre adressée à la Directrice Générale d’OMC, la volonté de l’organisation de relever les défis mondiaux que constituent l’offre insuffisante et l’accès inéquitable aux produits médicaux Covid-19, en particulier aux vaccins. Cependant, nos associations de santé et de solidarité internationale expriment leur inquiétude quant à l’approche adoptée par Mme Ngozi Okonjo-Iweala, manifestement soutenue par la France, de prioriser les accords bilatéraux volontaires, largement dépendants de l’industrie pour répondre à ces enjeux.
Les accords bilatéraux qui ont été signés à ce jour contiennent des conditions hautement restrictives qui renforcent le contrôle vertical des entreprises détentrices de la technologie, limitent artificiellement la production et l’approvisionnement afin de restreindre les options d’approvisionnement au niveau mondial de vaccins.
« La troisième voie proposée par la directrice générale de l’OMC n’est qu’une nouvelle réponse de ‘business as usual’ orchestrée par les intérêts des principaux détenteurs de brevet, et par cela, semble détourner l’attention des véritables solutions pour l’élargissement des capacités mondiales de production »
Président de Médecins du Monde France
« A ce propos, l’Inde et l’Afrique du Sud ont proposé de lever quelques dispositions des accords sur les Aspects de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, notamment les droits d’auteur, les dessins et modèles industriels, les brevets et les secrets d’affaires. Obtenir un consensus autour de ce texte devrait être la solution privilégiée par l’OMC ».
En laissant le contrôle des technologies sur les vaccins et autres technologies de santé aux détenteurs des brevets, les pays à revenus élevés confient la réponse à la crise Covid-19 à une poignée d’acteurs du secteur privé qui décident quand, où et à qui distribuer le vaccin. Cela confirme l’impuissance des Etats à se pencher sur les véritables solutions fondées sur la coopération et les priorités de santé.