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En cours de lecture Trêves, couloirs humanitaires et zones sécurisées à Gaza : les discours et la réalité
Communiqués

Trêves, couloirs humanitaires et zones sécurisées à Gaza : les discours et la réalité

Communiqués 24.11.2023

Le 9 novembre 2023, il a été annoncé qu’Israël acceptait d’instaurer des « pauses humanitaires » de quatre heures à Gaza pour déplacer les civils du nord de Gaza vers le sud. Avant cela, Israël avait déjà ordonné l’évacuation de la population civile vers le sud. Par ailleurs, plusieurs propositions unilatérales visant à mettre en place des « pauses humanitaires », des « couloirs humanitaires » et des « zones sécurisées » à Gaza ont été exprimées dans les médias et lors d’allocutions par des dirigeants mondiaux. La résolution adoptée le 15 novembre par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui met l’accent sur les enfants et les besoins humanitaires, fait également référence à certains de ces termes, mais elle ne prévoit aucune mesure permettant au Conseil de contrôler ou de mettre en place ces dispositions. La résolution n’a par ailleurs pas été acceptée par les parties sur le terrain.

Si les efforts déployés pour sauver des vies sont salués, la terminologie et les déclarations publiques décrivant les mesures qui ambitionnent de protéger les civils ne reflètent pas les réalités de la situation actuelle sur le terrain. Dans le monde entier, des centaines d’organisations de la société civile, y compris des agences humanitaires en Territoire palestinien occupé (TPO) et des groupes de défense des droits humains affirment qu’un cessez-le-feu immédiat reste la seule manière réaliste et efficace d’alléger les souffrances et de sauver des vies.

La réalité des « trêves » et des « couloirs »

 

Les annonces :

  • Le 9 novembre 2023, des « pauses humanitaires » de quatre heures à Gaza pour déplacer les civils du nord de Gaza vers les zones au sud de Wadi Gaza. Malgré l’emploi du terme “humanitaire”, aucune indication ne permet d’affirmer que le but est uniquement de protéger les civils des hostilités en cours.
  • Le terme « couloir humanitaire » a été employé pour décrire les quelques routes prévues pour le déplacement des civils du nord de Gaza vers les zones au sud de Wadi Gaza, que les militaires israéliens disent plus sûres pour les civils.
  • Le 15 novembre 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution (2712) appelant à des « pauses et à des couloirs humanitaires urgents et prolongés ».

 

La réalité du terrain :

  • Les « trêves », que l’on définit comme une suspension des hostilités par toutes les parties, y compris des bombardements, des pilonnages, des tirs d’artillerie et des accrochages dans l’ensemble de Gaza, n’ont pas lieu.
  • Deux routes à sens unique (la route Salah al-Din depuis Gaza et la route côtière de la bande de Gaza) ont été désignées par Israël pour obliger les civils à se déplacer du nord de Gaza vers les zones au sud de Wadi Gaza. Des bombardements, des pilonnages et des tirs embusqués ont été signalés visant à obstruer ces routes désignées et à interrompre les déplacements.
  • Ces routes ne facilitent pas, et n’ont jamais été destinées à la provision d’aide humanitaire dans le nord de Gaza ou à l’évacuation fluide et sécurisée des civils en accord avec le droit international humanitaire.
  • Si des milliers de familles sont parvenues à atteindre les zones au sud de Wadi Gaza, d’autres n’ont pas pu ou voulu emprunter ces routes : les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, malades ou à mobilité réduite, par exemple. Dans de nombreux cas, des familles ont tenté d’emprunter ces routes pour devoir rebrousser chemin et revenir à Gaza à cause des bombardements intensifs. Des déplacements de mineurs non-accompagnés et de familles séparées ont pu être constatés.
  • Les déclarations publiques faites par de hauts responsables israéliens sur l’intention de déporter la population civile hors du territoire occupé Gaza vers l’Egypte serait incompatible avec l’interdiction de transfert forcé et de déportation, et représenterait une grave violation du droit international.
  • Un déplacement forcé sans garanties de sécurité ou de retour, et sans répondre aux besoins de la population protégée, risque d’être assimilée à un transfert forcé, ce qui représente une grave violation du droit international humanitaire et constitue un crime de guerre.
  • Le point de passage de Rafah entre l’Egypte et Gaza est actuellement la seule route praticable pour transporter l’aide limitée à Gaza. Ces efforts ont été considérablement entravés par la lenteur et la lourdeur des processus, le manque de carburant et la fermeture par Israël de tous les autres points de passage. Par conséquent, les agences d’aide humanitaire sont incapables d’apporter une aide en fonction des besoins humanitaires de la population gazaouie, y compris au sud.
  • Aucune aide n’a été distribuée par l’ONU et les organisations humanitaires au nord de Wadi Gaza depuis le 7 novembre. Avant le 7 octobre, trois points de passage (à Rafah, Erez et Kerem Shalom) étaient utilisés à des fins commerciales et humanitaires. Les organisations d’aide humanitaire ont appelé à leur réouverture.

« Zones sécurisées », « Zones humanitaires » et termes apparentés

 

Les annonces :

  • Le 13 octobre, les forces israéliennes ont ordonné le déplacement des civils du nord de Gaza vers les zones au sud de Wadi Gaza, en indiquant qu’ils y seraient plus en sécurité, sans pour autant fournir de garanties sur la sécurité des civils pendant le transit, ni sur le retour dans leur foyer dès la fin des hostilités dans la zone concernée.
  • Au cours des dernières semaines, plusieurs responsables israéliens ont mentionné publiquement la mise en place pour les civils d’une « zone humanitaire », donnant ainsi l’impression aux civils qu’ils seraient en sécurité et recevraient de l’aide s’ils s’y rendaient. Cette zone d’environ 1 km de large et 14 km de long est située dans la ville d’Al-Mawasi, au sud.
  • Le 15 novembre, les forces israéliennes ont largué des tracts dans des villes du sud de Gaza, notamment à Al Qarrah, Khuza’a, Bani Suhaila, et Absaan, appelant une fois encore les résidents à évacuer.

 

La réalité du terrain :

  • Les frappes aériennes, les pilonnages et les combats rapprochés entre les forces terrestres israéliennes et les groupes armés palestiniens perdurent sans relâche sur l’ensemble de la bande de Gaza depuis que ces ordres d’évacuation ont été émis. Les civils n’ont aucune garantie de sécurité, y compris ceux qui ont été contraints de rejoindre le sud de Wadi Gaza.
  • Des rapports de l’ONU indiquent qu’un tiers des personnes tuées à Gaza et au moins la moitié des 104 membres du personnel humanitaire de l’UNRWA tués se trouvaient dans des zones au sud de Wadi Gaza, où les civils avaient reçu l’ordre d’évacuer (information exacte à la date du 19 novembre). Par ailleurs, plus de la moitié des installations de l’UNRWA ont été frappées ou endommagées au cours de cette escalade sont situées au sud de Wadi Gaza.
  • Avec une population de 2,2 millions d’habitants sur une superficie de 365 km2, la bande de Gaza est déjà l’une des zones les plus densément peuplées au monde. Sans accès à des services adaptés, le déplacement forcé de nombreux civils dans une bande de terre encore plus étroite risque de créer une catastrophe humanitaire encore plus importante et représenterait un transfert forcé de la population civile du territoire occupé.
  • Dans les conditions actuelles, les propositions visant à accepter de manière unilatérale des « zones sécurisées » à Gaza risquerait de mettre encore plus en danger les civils, d’accroitre leur vulnérabilité aux attaques et potentiellement, d’entrainer des décès à encore plus grande échelle. Des dirigeants humanitaires ont déclaré sans équivoque ne pas pouvoir participer à ces propositions unilatérales visant à établir des « zones sécurisées ».

 

Notes du rédacteur 

  • Les « couloirs humanitaires » sont des « accords conclus entre les parties au conflit armé pour assurer un passage sans danger dans une zone géographique donnée. Ils peuvent permettre le départ de civils, l’arrivée de l’assistance humanitaire ou l’évacuation des blessés, des malades ou des morts. » (Source : CICR)
  • Une « trêve humanitaire » est « une suspension temporaire des hostilités, convenue entre les parties au conflit à des fins purement humanitaires. Elle est généralement limitée dans le temps et l’espace mais il ne s’agit pas d’un terme défini par le DIH. » (Source : CICR)
  • Les définitions des “zones de sécurité” ou “zones neutralisées” sont formulées par le CICR dans plusieurs publications, y compris leur base de données du Droit international humanitaire.
  • Dans au moins un cas, un médecin employé à Gaza par une ONG médicale a été assassiné avec sa famille lors d’une attaque de son immeuble par les forces israéliennes alors qu’il n’avait pas pu évacuer, ayant des proches âgés et malades.

 

Organisations signataires :

  1. Action Against Hunger
  2. Handicap International – Humanity & Inclusion
  3. Médecins du Monde – France
  4. Médecins du Monde – Spain
  5. Médecins du Monde – Swiss
  6. Nobel Women’s Initiative
  7. Norwegian Refugee Council
  8. Oxfam
  9. Refugees International
  10. Save the Children