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En cours de lecture Traitement contre l’hépatite C : le système des brevets fait obstacle à l’accès aux médicaments
Communiqués

Traitement contre l’hépatite C : le système des brevets fait obstacle à l’accès aux médicaments

Communiqués 12.09.2023

(Paris, le 12 septembre 2023) Suite au recours de AIDES, Médecins du Monde et Médecins Sans Frontières, l’Office Européen des Brevets maintient le brevet sur le composé de base du sofosbuvir, un traitement contre l’hépatite C détenu par la firme pharmaceutique américaine Gilead. Cette décision conforte une fois de plus un monopole abusif et ignore les éléments qui auraient permis l’arrivée de génériques abordables en Europe. Alors que notre système de santé traverse une crise sans précédent, il est urgent que l’Etat prenne ses responsabilités pour protéger la santé publique.

A l’issue de l’audience publique de la chambre de recours, l’Office Européen des Brevets (OEB) maintient sa décision d’octobre 2018 qui avait retenu les arguments de Gilead et maintenu le brevet sur le composé de base du sofosbuvir. Ce faisant, l’OEB appuie une fois de plus un brevet immérité.

« Le cas du sofosbuvir est un exemple édifiant du dévoiement du système des brevets que combat Médecins du Monde, et la décision de l’OEB est très inquiétante car elle en révèle la faiblesse. Elle montre qu’il y a une totale déconnexion entre l’application du droit des brevets et les besoins des systèmes de santé publique. Il est urgent de réformer la politique des brevets en Europe », déclare Olivier Maguet, Responsable de la mission Prix des Médicaments à Médecins du Monde.

« Un des critères essentiels de la brevetabilité est l’activité inventive*. Pourtant, elle n’est pas au rendez-vous avec le sofosbuvir ! », poursuit-il.

« Dans notre procédure d’opposition, nous avons produit des arguments très clairs démontrant que la majorité des composés couverts par le brevet n’ont aucun effet technique. Faisant fi de la logique qui voudrait qu’un brevet doit couvrir une véritable invention, la chambre de recours a pourtant décidé de maintenir le brevet », affirme Quentin Jorget, conseiller en propriété intellectuelle pour les associations.

« Rappelons également que l’Etat reste le régulateur sur toute la chaîne de mise à disposition du médicament : la sécurité sanitaire, l’octroi du brevet, la fixation du prix, mais aussi la solvabilité du marché. Or, lorsque l’Etat accorde des brevets immérités, il n’assume pas sa responsabilité de défendre le droit fondamental à la protection de la santé pour toutes et tous », affirme la Dr Florence Rigal, Présidente de Médecins du Monde.

Utilisé pour traiter l’hépatite C, le sofosbuvir jouit d’une situation de monopole conférée par des brevets dont nos associations contestent la légitimité. Entre 2014 et 2021, les industriels ont reçu 4,5 milliards d’euros d’argent public, un chiffre qui correspond au montant remboursé par l’Assurance Maladie pour couvrir le traitement de près de 95 500 patients**. Autant d’argent public qui n’a pas pu être réaffecté à un système de santé en crise, alors que des versions génériques auraient coûté moins de 10 millions d’euros.

« Aujourd’hui encore, nous recevons des témoignages de refus de délivrance du traitement contre l’hépatite C en raison de son prix exorbitant, en particulier pour des personnes usagères de drogues et/ou à la rue. Ce problème concerne également les personnes sans droits ouverts, pour lesquelles nous avons des témoignages de traitements retardés en attendant l’ouverture de droits ou en fonction de l’état de leur foie », déclare Ines Alaoui, responsable plaidoyer institutionnel pour AIDES.

Alors que, selon l’OMS, des millions de personnes dans le monde vivent encore avec une hépatite non diagnostiquée et non traitée, la France est pourtant loin d’atteindre son objectif d’élimination de l’hépatite C à l’horizon de 2025. « Il est inacceptable que notre pays et nos institutions aient fait le choix de se plier aux revendications de prix excessives d’une firme, aux dépens de l’intérêt de santé publique et des personnes. L’Etat doit prendre ses responsabilités et jouer son rôle de régulateur. Le ministre de la Santé doit imposer une licence d’office*** pour permettre la production ou l’importation de versions génériques abordables des traitements contre l’hépatite C. », affirme Camille Spire, présidente de AIDES.

A l’heure où le gouvernement revoit sa politique industrielle pharmaceutique, la licence d’office sur le sofosbuvir est une opportunité à saisir pour enfin montrer qu’il y a une véritable volonté de rééquilibrer le rapport de forces entre l’Etat français et les entreprises du médicament.

* Selon la Convention sur le brevet européen, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.

** Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Propositions de l’Assurance Maladie pour 2023 (juillet 2022)

*** La licence d’office est un outil de régulation qui lève l’exclusivité conférée par un brevet, contre rémunération équitable du détenteur, et permet donc l’accès à des versions génériques à des prix abordables.

Note aux rédactions :
– Le sofosbuvir est le premier médicament contre l’hépatite C sans interféron, avec très peu d’effets indésirables, commercialisé en France sous le nom de Sovaldi.
– Le sofosbuvir a marqué un moment de rupture dans le modèle de fixation des prix des médicaments innovants en France. Son prix exorbitant (56 000 € en 2013, puis 41 000 € dès 2014) avait conduit à un rationnement et à un tri des patients. Avant l’élargissement de l’accès en 2017, et contre toute recommandation fondée sur des critères médicaux cherchant à contenir l’épidémie, le sofosbuvir n’était remboursé par la sécurité sociale qu’aux malades de l’hépatite C les plus gravement atteints. Étaient ainsi exclues les personnes infectées chroniquement à un stade moins avancé.
– Jusqu’à aujourd’hui, l’Etat français a refusé d’utiliser la licence d’office. Les prix publics des traitements contre l’hépatite C, vendus exclusivement par Gilead, s’élèvent à 24 905 € pour une cure de trois mois de Sovaldi et d’Epclusa, et à 37 158 € pour une cure d’Harvoni, alors que le coût de production des génériques est estimé entre 63€ à 127€ par traitement.

Contacts Presse :

• Médecins du Monde
Aurélie Godet, Responsable presse : aurelie.godet@medecinsdumonde.net // 06 69 76 31 18

• AIDES
Margot Cherrid, Chargée des relations médias : mcherrid@aides.org // 06 10 41 23 86