Publication du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les migrations : une première étape pour le respect des droits fondamentaux
Après 6 mois de travaux, la Commission d’enquête parlementaire sur les migrations vient de rendre ses conclusions.
Nos 5 associations avaient, dès 2019, entrepris des démarches auprès de différents groupes parlementaires afin que soit créée une commission d’enquête sur les droits fondamentaux des personnes migrantes aux frontières françaises. Lorsque le groupe Libertés & Territoires a pris l’initiative, en mai 2021, de créer cette commission d’enquête, nos associations ont contribué à ses travaux par des notes thématiques (publiées en annexe du rapport), en participant à différentes auditions et en favorisant ses déplacements afin de permettre aux député·e·s de rencontrer directement les personnes concernées sur leurs lieux de (sur)vie, que ce soit dans les zones frontières ou en Ile-de-France.
Nos associations apprécient la tonalité générale du rapport de la Commission qui montre bien l’absolue nécessité de modifier en profondeur les politiques menées actuellement pour que soient effectivement respectés les droits fondamentaux des personnes exilées.
Plusieurs recommandations sont proches des propositions de nos associations, comme celle particulièrement structurante de vouloir déconcentrer la politique migratoire entre plusieurs ministères à la place de l’actuelle mainmise du ministère de l’Intérieur.
En revanche, sur différents sujets, les recommandations doivent être complétées pour que les droits soient réellement respectés, comme par exemple s’agissant des mineur·e·s isolé·e·s où peu de propositions renforcent leur protection, certaines alimentant même la suspicion à leur égard.
Pour Véronique Devise, présidente nationale du Secours Catholique-Caritas France, « Il faut relever avec satisfaction que les députés, au sujet de la situation dans le Calaisis, démontrent à leur tour que la politique “zéro point de fixation” est sans issue, gravement attentatoire à la dignité des personnes exilées, qu’il convient d’y mettre fin, et à l’inverse créer des petits lieux d’accueil tout le long du littoral franco-britannique. »
Pour Jean-Claude Samouiller, vice-président d’Amnesty International France « Nous nous félicitons que la commission d’enquête parlementaire demande à ce que cessent les pratiques illégales à nos frontières avec l’Italie (refoulements expéditifs, non-accès à l’asile, absence de protection de mineur·e·s isolé·e·s…). Nos associations et de nombreuses autorités dénoncent depuis des années ces agissements, qui sont aussi observés à la frontière franco-espagnole. La Commission rappelle également que les personnes arrivées sur le territoire doivent être accueillies dignement et non pas laissées dehors dans le froid comme c’est actuellement le cas à Calais ou Briançon. Amnesty International salue le rappel par le Président de la Commission des engagements nationaux, européens et internationaux pris par la France pour le respect des droits humains : ces droits ne sont pas optionnels. »
Selon Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade : « Il est heureux que la proposition, portée de longue date par les associations, de suppression du règlement Dublin ait été entendue et reprise par les membres de la commission d’enquête parlementaire. Il est en effet urgent d’en finir avec cette logique qui dissuade et exclut des personnes en quête de protection, pour à l’inverse engager une véritable politique d’accueil européenne. »
Selon Corinne Torre, cheffe de la mission France de Médecins Sans Frontières : « Nous saluons la place accordée à la question des mineurs non accompagnés dans le cadre de cette commission. La nécessité d’améliorer l’accès de ces mineurs aux soins et à l’interprétariat professionnel semble avoir été entendue. Toutefois, certaines recommandations de la commission – telles que la systématisation du recours aux fichiers biométriques – et son absence de positionnement sur la question des tests osseux abondent en faveur d’un système déjà défaillant et source pour les mineurs isolés étrangers d’une précarisation extrême et d’une souffrance psychique importante. Nous regrettons le positionnement de la commission en défaveur du principe de présomption de minorité. Il s’agit d’une occasion manquée de défendre d’abord et avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant. »
« La CEP a pris la mesure des barrières à l’accès aux soins des personnes migrantes en recommandant de mettre fin aux entraves, aux délais de carence imposés fin 2019 tant pour les personnes sans-papiers éligibles à l’Aide médicale d’Etat (AME) que pour les personnes demandeuses d’asile », souligne le Dr Carine Rolland, présidente de Médecins du Monde.
« Mais c’est aussi une occasion manquée d’avancer vers un système réellement universel. Proposer d’intégrer les bénéficiaires de l’AME au régime général de la Sécurité sociale aurait été un acte politique fort » poursuit le Dr Carine Rolland.
Les propositions de la commission d’enquête parlementaire et l’ensemble de nos constats et recommandations qui permettront le respect effectif des droits fondamentaux des personnes en migration, seront discutés lors d’un séminaire organisé par nos associations le 2 décembre prochain, en présence des président·e·s de nos cinq associations et des député·e·s membres de la commission d’enquête.
Signataires : Amnesty International, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, Secours Catholique-Caritas France