Cinq ans de pénalisation des clients : une loi contre-productive qui précarise les travailleur.ses du sexe
Cinq ans après l’adoption de la loi de pénalisation du client, le constat est sans appel pour les associations : loin de lutter contre la traite des êtres humains et de protéger les travailleur.ses du sexe, elle a au contraire précarisé et affaibli ce public déjà stigmatisé. Les conséquences principales sont une augmentation de la violence, un isolement plus grand, une santé fragilisée et un parcours de sortie (qui correspond au volet social de la loi) inadapté aux réalités. Par ailleurs, depuis un an, le COVID a largement aggravé la situation des travailleur.ses du sexe, sans qu’aucune solution à la hauteur du problème n’ait été proposée.
Une loi répressive et contre-productive
Le 13 avril 2016 était adoptée une loi pour lutter contre “le système prostitutionnel” avec 4 axes principaux : lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, accompagner les personnes se prostituant vers un parcours de sortie, pénaliser les clients de la prostitution et activer des mesures pour prévenir l’entrée dans la prostitution. Malgré les alertes constantes des associations et du Défenseur des Droits sur les conséquences désastreuses de cette loi, c’est bien la logique répressive qui prend le dessus au détriment de la santé des travailleurs.ses du sexe.
Les lois répressives du travail sexuel vont à l’encontre d’une approche globale en santé qui prend en compte les aspects de prévention, de soin, d’accompagnement social et de soutiens aux actions communautaires.
Nous dénonçons avec force la volonté de faire primer une logique abolitionniste au détriment d’une prise en compte des besoins réels de travailleur.ses du sexe et de leurs revendications.
Des conséquences négatives importantes pour les travailleur.ses du sexe
Nos associations s’appuient sur leurs pratiques de terrain depuis des années et le vécu des travailleur.ses du sexe pour dresser un bilan, cinq ans après la mise en œuvre de la loi de pénalisation.
Déjà développées dans nos réponse à l’évaluation de la loi de 2016, nous dénonçons les conséquences négatives de ce texte de loi sur plusieurs aspects.
- Tout d’abord, en amalgamant proxénétisme et traite des êtres humains à des fin d’exploitation sexuelle, cette loi ne permet pas de lutter efficacement contre l’exploitation des personnes. Cette logique représente un obstacle à la compréhension des réalités vécues par les personnes et ne permet pas de lutter efficacement contre les réseaux de traite.
- Le parcours de sortie prévu par la loi de 2016 n’est pas à la hauteur de l’enjeu. C’est une réponse inadaptée, avec un budget sous-estimé, assortie d’une condition d’arrêt du travail sexuel qui ne correspond pas aux besoins réels des personnes.
- L’angle répressif qu’implique la pénalisation des clients ne permet pas d’inclure une vraie politique de santé, et au contraire, les effets sont désastreux d’un point de vue sanitaire. La criminalisation du travail sexuel a un véritable impact délétère sur la santé des personnes (difficulté à imposer le port du préservatif donc augmentation des IST, risques psychologiques accrus, isolation et éloignement des structures d’accompagnement, rupture du parcours de soin…). « Depuis 2016, nous observons une véritable dégradation de la santé des travailleur.ses du sexe que nous rencontrons sur le terrain. La pénalisation des clients a surtout pour effet de rendre l’activité du travail du sexe plus dangereuse, plus à risque pour la santé des personnes, et plus compliquée à gérer psychologiquement. Globalement, la santé des travaileur.ses du sexe s’est détériorée », affirme Philippe de Botton, président de Médecins du Monde.
- Enfin, les violences ont augmenté en nombre et en intensité, ainsi que la stigmatisation. En effet, les associations constatent de manière unanime une augmentation des vols, vols avec violences (coups et blessures souvent graves), des violences sexuelles, de la négociation systématique des tarifs et des pratiques, acceptation plus fréquentes de rapports non protégés par manque de ressources financières, exercice de l’activité dans des lieux plus reculés ou isolés qui favorisent les agressions… « Nous avons pu constater une forte augmentation des faits de violences qui nous ont été rapportés ces quatre dernières années. Ces agressions ont atteint cette année un degré de violences rarement vu : viols en série, tentatives de meurtre, agressions au couteau… », dénonce l’association Cabiria à Lyon.
Une situation aggravée par la pandémie depuis un an
Depuis un an, la situation des travaileur.ses du sexe est un angle mort des mesures gouvernementales. Or, c’est un public extrêmement exposé à la Covid 19 et qui subit de plein fouet les mesures restrictives telles que le confinement et le couvre-feu. Durant cette crise sanitaire, nous avons pu constater que la loi de 2016 a entravé les capacités de soutien de l’Etat pour l’action sociale en faveur des travailleur.ses du sexe. Les associations ayant une approche communautaire se sont vu refuser les moyens nécessaires pour soutenir les personnes dans l’accès aux produits de première nécessité, dans l’accès au logement, dans l’accès à la santé en raison de leur positionnement. « Avec la Covid 19, la violence s’est décuplée, mettant les TDS en danger et en grande précarité. L’isolement et les expulsions se sont accentués, ainsi que la crainte de la contamination. Une fois encore les TDS sont les grande oubliées de la crise », affirme l’association Grisélidis à Toulouse.
Signataires
Griselidis
Cabiria
Paloma
STRASS
Autres Regards
AIDES
Les Roses d’Acier
la Fédération Parapluie Rouge
Médecins du Monde