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Notre action auprès des personnes mineures non accompagnées (MNA)

© Olivier Papegnies

Qu’est-ce qu’un mineur non accompagné (MNA) ou mineurs isolés étrangers (MIE) ?

Les expressions de mineurs non accompagnés (MNA) et mineurs isolés étrangers (MIE) désignent une personne âgée de moins de 18 ans et qui se trouve en dehors de son pays d’origine sans aucun représentant légal.

Les raisons pour lesquelles ces enfants se retrouvent sur les routes de l’exil sont multiples et souvent cumulatives : fuyant les conflits ou les situations d’instabilité politique, les violences ou les discriminations, en rupture familiale, ils cherchent un avenir meilleur. Un certain nombre d’entre eux ont déjà de la famille en Europe, qu’ils viennent rejoindre.

Nous constatons que ce sont principalement des garçons qui arrivent en France mais les filles migrent aussi : elles sont présentes sur les routes migratoires, aux frontières, mais disparaissent des radars sur le territoire français.

En France, des parcours marqués par des ruptures et des violences institutionnelles

L’arrivée sur le territoire français

A leur arrivée aux frontières françaises, après un parcours migratoire parfois long, éprouvant et dangereux, certains mineurs non accompagnés (MNA) sont refoulés sans que leur statut d’enfant en danger ne soit respecté et nombre d’entre eux survivent seuls dans des conditions extrêmement précaires, en situation d’errance et éloignés de tout accès effectif à une protection.

Or, parce qu’ils sont mineurs et isolés sur le territoire français, les MNA sont des enfants en danger qui doivent être protégés, sans discrimination liée à la nationalité. La mission de protection de l’enfance relève des Conseils départementaux via les dispositifs de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Un premier accueil défaillant

Malgré la législation applicable, le caractère égalitaire de la protection de l’enfance n’a cessé de se fissurer et les MNA font en réalité l’objet de procédures spécifiques. Aujourd’hui, leur protection n’est pas toujours assurée, leur prise en charge comporte de graves insuffisances et est fréquemment remise en cause par les responsables politiques qui considèrent ces enfants avant tout comme des migrants et non comme des enfants en danger et donc à protéger. Ils sont confrontés au rejet, à la suspicion, à la remise en cause de leur identité, de leur âge, de leur histoire.

Nous le constatons au quotidien, leur accès effectif à la protection relève du parcours du combattant. Des procédures spécifiques et de plus en plus dissuasives sont mises en place :

  • Absence de mise à l’abri – pourtant obligatoire dès la présentation du jeune auprès du conseil départemental – ou mise à l’abri dans un hôtel sans aucun accompagnement ni suivi adapté ;
  • Leur minorité et leur isolement sont évalués au cours d’un entretien d’investigation poussé, mené dans la défiance, souvent sommaire et subjectif ;
  • Leurs empreintes sont relevées et comparées dans plusieurs fichiers biométriques (fichier AEM) ;
  • Leurs documents d’état civil, quand ils en ont, sont systématiquement suspectés d’être faux ;
  • Des évaluations « au physique » et des expertises médicales (tests osseux) peuvent être réalisées, pourtant largement condamnées en raison de leur absence de fiabilité.

La détermination médicale de l’âge : les tests osseux

Afin de vérifier s’ils sont mineurs, les jeunes peuvent être soumis à un examen médical de détermination de l’âge au cours duquel une radiographie du poignet, et/ou de la clavicule et/ou de la maturation dentaire est comparée avec des référentiels datant des années 1930 destinés à mesurer la maturation osseuse. Ces tests osseux sont considérés comme non fiables par l’ensemble de la communauté scientifique et médicale et comportent une marge d’erreur pouvant aller jusqu’à 2 ans.

Médecins du Monde rappelle que, qu’elles soient prises isolément ou combinées, aucune méthode médicale de détermination de l’âge n’apporte à l’heure actuelle des informations scientifiques suffisamment fiables et précises pour déterminer l’âge biologique des mineurs évalués. Nous demandons l’interdiction de tout examen médico-légal visant à déterminer l’âge des MNA au profit d’une évaluation de la situation des mineurs fondée sur des éléments objectifs (comme les documents d’état civil) et conforme au principe de présomption de minorité.

Le fichage des MNA

Le 10 septembre 2018, le gouvernement a voté la loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » créant un fichier biométrique afin de ficher tous les jeunes qui sollicitent une protection en tant que mineurs non accompagnés. L’objectif est de « lutter contre le nomadisme des jeunes » en empêchant un jeune qui aurait déjà demandé une protection dans un département de se présenter de nouveau dans un autre qui proposerait des conditions d’accueil ou d’évaluation plus favorables. En réalité, ce dispositif fait primer la lutte contre l’immigration irrégulière sur la protection de l’enfance.

L’utilisation de ce fichier a de nombreux effets nocifs : des mineurs sont laissés à la rue dans l’attente de leur passage en préfecture, refus de mise à l’abri et d’évaluation à l’issue de la consultation des fichiers, édiction de mesures d’éloignement à l’égard de ceux et celles « déclarés » majeurs, les privant de leur droit à un recours devant le ou la juge des enfants, etc.

Nous le constatons au quotidien, ces moyens, inadaptés à des enfants, conduisent nombre d’entre eux à ne pas être reconnus mineurs. Or, bien qu’il soit possible de saisir le juge des enfants afin de contester le résultat de cette évaluation départementale, aucune prise en charge n’est prévue le temps du recours, ce dernier n’étant pas suspensif. Ces adolescents sont alors remis à la rue, livrés à eux-mêmes, sans aucun accès à un dispositif de protection adaptée, sans ressources financières et sans accompagnement autre que celui fournit par les associations, ce qui dégrade encore d’avantage leur état de santé somatique et psychologique et compromet gravement leur accès aux soins.

Suspecté plutôt que protégé : Ibrahim, mineur non accompagné, témoigne

Une fois reconnus mineurs et confiés à l’ASE, la prise en charge demeure insuffisante

Pour celles et ceux qui sont admis à l’aide sociale à l’enfance, d’autres difficultés se présentent :

  • La prise en charge proposée est souvent différente de celles des autres enfants confiés à l’ASE et est parfois défaillante ;
  • Ces enfants sont le plus souvent hébergés dans des dispositifs dédiés ou dans des hôtels, avec un prix de journée bien inférieur à celui des autres enfants confiés ;
  • La prise en charge socio-éducative est parfois minime, ce qui impacte leur accès à la scolarité, leur accès aux soins ou encore l’accompagnement à la majorité.

Tel que construit aujourd’hui, le système d’accueil, d’évaluation et de prise en charge des mineurs isolés est davantage source de souffrances, de ruptures et d’entraves aux droits que synonyme de répit, de repos et protection.

Notre action auprès des MNA

Au travers de nos programmes dédiés à ces enfants à Caen, Nantes et Paris, mais aussi dans nos centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) ou encore lors de nos maraudes auprès des personnes à la rue, en bidonvilles ou en squats, à Marseille, Lyon, Bordeaux, Saint-Denis, à la frontière franco-italienne ou encore sur le littoral du Nord-Pas-de-Calais, Médecins du Monde a rencontré en 2019 plus de 1 300 enfants et adolescents non accompagnés.

Par des lieux d’accueil, des consultations et des activités psychosociales, nos équipes apportent un soutien psychologique, médical et social aux MNA exclus de la protection de l’enfance : nous proposons une écoute, des consultations médicales et sociales, des ateliers collectifs de soutien psychosocial et de prévention à la santé, de l’orientation et de l’accompagnement pour l’accès aux biens essentiels, aux droits et aux soins.

Nous rencontrons des enfants démunis, perdus, abîmés par leurs parcours de vie, leurs parcours migratoires, leurs conditions d’accueil en France. Leurs parcours de soins sont chaotiques (non-repérage des besoins en santé, retardement d’accès aux soins, refus de soins, rupture dans la continuité des soins, renoncement aux soins, etc.), particulièrement lorsqu’ils restent en dehors des dispositifs de protection de l’enfance.

Nos combats auprès des MNA

Au-delà de notre action immédiate auprès de ces enfants, nous menons aussi un combat politique pour dénoncer les difficultés grandissantes auxquelles les mineurs non accompagnés (MNA) font face pour accéder à une protection effective. Nous témoignons et dénonçons les violations de leurs droits et l’impact de la politique de non-accueil sur leur santé.

Nous interpellons les autorités locales et nationales pour contribuer à l’amélioration des politiques publiques et faire évoluer le droit et les pratiques en vue de faciliter l’accès aux soins et promouvoir l’effectivité des droits des mineurs non accompagnés.

Médecins du Monde milite pour l’amélioration des politiques d’accueil en vue de garantir l’accès aux droits et aux soins des MNA et demande :

  • La reconnaissance de leur statut d’enfant en danger et donc de leur nécessaire prise en charge dans le droit commun de la protection de l’enfance
  • Un accueil inconditionnel de toute personne se présentant comme mineur non accompagné avec mise à l’abri immédiate, dans des conditions dignes et sécurisantes
  • Un temps de répit permettant l’émergence d’une relation de confiance et la diffusion d’une information claire sur la procédure d’évaluation. Un bilan de santé doit être établi et l’accès aux soins doit être garanti dès le premier accueil.
  • Une évaluation bienveillante de la situation, dans le respect de la présomption de minorité : assurer une évaluation des critères de danger, des risques et des besoins des MNA, pluridisciplinaire et basée sur des éléments objectifs.
  • Une évaluation plus fine nécessite que les services de protection se soient préoccupés des troubles somatiques et psychologiques auxquels les jeunes sont exposés à leur arrivée. Les tests osseux doivent être interdits.
  • Un accompagnement dans l’accès aux droits à la santé, à l’éducation, à l’asile, à l’état civil
  • Une protection adaptée jusqu’à la décision définitive des autorités judiciaires