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Népal : déchets à hauts risques

Articles 26.12.2024

© Christophe Da Silva

Présente depuis trente ans au Népal, notamment à travers des réponses d’urgence pour soutenir une population régulièrement touchée par de violents séismes, Médecins du Monde intervient aujourd’hui auprès d’une communauté dont le travail menace directement la santé : les collecteurs de déchets.

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    collecteurs et collectrices de déchets accompagnés

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    familles affiliées à l’assurance maladie

Le bruit est assourdissant, l’odeur insoutenable. Au petit matin, le soleil brûle déjà la vallée de Katmandou, dessinant l’ombre des centaines de silhouettes qui se pressent sur les montagnes d’ordures de la décharge. Au milieu de l’impressionnant ballet des bulldozers et autres camions venus déverser les ordures de la capitale, les collecteurs de déchets, absorbés par leur tâche, prennent tous les risques pour trier le plus rapidement possible, récupérant au passage quelques produits qu’ils pourraient revendre pour s’assurer un revenu. « Ici tout le monde a peur de l’accident, mais les autres dangers sont nombreux, comme l’exposition aux produits toxiques ou tranchants », explique Jano Dangol, représentante de l’association de collecteurs Sasaja.

« Basse id="_idTextSpan090" class="CharOverride-4">caste »

Au Népal, le système de traitement de déchets est complexe et cette activité dénigrée par la population. Elle repose donc sur l’investissement des plus précaires, qu’ils soient issus de l’immigration indienne ou des membres des « basses castes » – aussi appelés Dalit ou Intouchables. La société ignore, stigmatise, voire violente ces personnes situées au sous-sol de l’échelle sociale.

« Les gens ne veulent pas qu’on leur parle, qu’on les touche », décrit Madan Pandit, collecteur en porte à porte. Seule une petite minorité est employée par les mairies et dispose ainsi de certains équipements. « Tous les autres sont des travailleurs informels et extrêmement précaires, ne disposant d’aucune assurance de sécurité ni de revenus », déplore Abdul Saboor Khan, coordinateur général de Médecin du Monde au Népal.

Si les dangers sont nombreux – coupures, infections, brûlures, intoxication, exposition au tétanos et aux maladies transmissibles, traumatismes osseux et musculaires – l’accès aux soins est très réduit. « Le Népal dispose d’une assurance maladie assez effective pour couvrir les besoins en santé basique de la population, explique Abdul Saboor, mais elle est financièrement inaccessible pour la grande majorité de ces collecteurs informels. » Un obstacle majeur, renforcé par un manque d’accompagnement adapté à leurs problématiques, voire à une certaine réticence des soignants à les prendre en charge.

© Christophe Da Silva

Un nouveau modèle en santé

Quand en 2015 l’État népalais introduit le concept d’UHPC, un nouveau modèle de centres de soins de proximité pouvant accueillir les plus précaires et désengorger les sept hôpitaux du pays, Médecins du Monde y voit une réelle opportunité d’inclusivité en santé. Mais, manque de volonté ou de moyens, les années passent et rien n’est fait. En 2019, l’association décide donc de mettre en place le premier UHPC à Katmandou. « L’idée était de prouver l’efficacité et la pertinence de ce type de structure et d’en livrer la méthodologie à l’État pour dissémination dans le pays, se remémore Abdul Saboor. Mais nous y avons posé une condition : l’inclusion dans ces centres d’une offre en santé adaptée aux besoins spécifiques des collecteurs de déchets. »

Aujourd’hui, si ce centre couvre les besoins des quelque 15 000 habitants du quartier, il est surtout devenu incontournable pour les collecteurs informels, qui y sont suivis et soignés gratuitement. Une offre personnalisée dont se réjouit Aastha Lamichhane, infirmière de l’UHPC : « Ils connaissent les risques immédiats de leur travail mais beaucoup moins les conséquences plus indirectes, et sont si occupés à survivre qu’on observe beaucoup de retard de soins, venant aggraver leurs problématiques. Nous faisons donc en sorte d’être proactifs dans leur suivi, avec par exemple la vaccination systématique et gratuite des adultes contre la diphtérie et le tétanos. » Un lien permanent est maintenu grâce aux associations locales de collecteurs de déchets, comme Sasaja, avec qui Médecins du Monde organise des activités de sensibilisation sur le terrain.

© Christophe Da Silva

Aujourd’hui, l’expérience est un franc succès : la ville de Katmandou a récupéré la gestion du centre de santé UHPC et, convaincue de sa pertinence, travaille actuellement à sa reproduction dans 32 quartiers de la capitale. « Nous continuons d’appuyer la dissémination de ces UHPC, avec un soutien direct à cinq d’entre eux, et appuyons par ailleurs d’autres centres de santé paramédicaux à Katmandou et Nepalganj, toujours dans cette optique de rapprocher des soins les collecteurs de déchets et l’ensemble des publics marginalisés », explique Abdul Saboor Khan.

Les collecteurs sont si occupés à survivre qu’on observe beaucoup de retard de soins, venant aggraver leurs problématiques.

Aastha Lamichhane

Infirmière de l'UHPC de Katmandou

Un combat pour les droits

À Nepalganj, ville frontalière de l’Inde où Médecins du Monde a appuyé l’ouverture d’un autre UHPC, c’est à la caste des Balmiki qu’incombe depuis plus de cinq cents ans la gestion des déchets de la ville. « À l’origine, nous n’étions pas autorisés à occuper un autre emploi. Aujourd’hui nous ne pouvons toujours pas manger ou aller au temple avec les personnes des autres castes », explique l’un de ses membres, Jagdish Balmiki. Face à cette stigmatisation enracinée, Médecins du Monde s’applique à soutenir la capacité de ces communautés à s’organiser pour revendiquer leurs droits sur le long terme. « Depuis que nous unissons nos voix, on se sent plus respectés et cela aide beaucoup les négociations pour l’amélioration de nos conditions de travail », se réjouit Jagdish Balmiki. À Katmandou, c’est l’organisation Sofai Yoddha qui a ainsi vu le jour pour porter la cause des recycleurs népalais jusque dans des sommets internationaux.

Pour Abdul Saboor Khan, travailler main dans la main avec les personnes concernées est porteur d’espoir. « Le système de santé népalais est en train d’évoluer durablement. Il reste des défis, mais nous les relèverons. »

Lou Maraval

Témoignage Témoignage Témoignage Témoignage Témoignage Témoignage Témoignage Témoignage Témoignage Témoignage

Tarka Bahadur Thapa

Responsable de programme à Nepalganj

 

« À Nepalganj, où l’usage de pesticides est extrêmement répandu, les maraîchers sont eux aussi menacés par leur travail. Problèmes respiratoires et dermatologiques, tétanos et diphtérie, problèmes musculaires et osseux… Nous avons été frappés par leur manque criant d’accès aux soins, leurs revenus étant insuffisants pour s’affilier à l’assurance maladie.

 

Nous avons ainsi développé une réponse polyvalente en santé avec notre partenaire local Bee Group. D’abord par la distribution d’équipements de protection et la sensibilisation aux pratiques de réduction des risques liés à l’usage de ces produits Ensuite, nous accompagnons la transition de ces maraîchers vers la bio-agriculture. Enfin, nous soutenons trois centres de santé pour une prise en charge adaptée et gratuite, en couvrant notamment vaccination et affiliation à l’assurance maladie.

 

Aujourd’hui, une large partie des maraîchers et maraîchères accompagnés se sont tournés vers la bio-agriculture. En œuvrant pour leur santé, c’est celle de tous les habitants de Nepalganj que nous préservons. »