L'UE doit donner la priorité aux droits fondamentaux des migrants et mettre fin à la criminalisation de la solidarité
© Olivier Papegnies
Le neuvième programme sur l'immigration se réunit à Bruxelles, à cette occasion Médecins du Monde appelle les institutions à prendre en considération la voix des personnes concernées et des associations qui ne cessent d'alerter sur les conséquences désastreuses qu'aura le pacte européen sur l'immigration et l'asile sur le respect de leurs droits fondamentaux.
Alors que le 9e Forum européen sur les migrations se réunit à Bruxelles, avec pour thème cette année le « renforcement du rôle de la société civile dans la mise en œuvre du Pacte européen sur la migration et l’asile », Médecins du Monde appelle les institutions de l’UE et les États membres à prendre réellement en considération les contributions et les critiques des organisations de la société civile et les voix des personnes migrantes, réfugiées et demandant l’asile qui n’ont cessé d’alerter sur les conséquences désastreuses que ce Pacte aura sur le respect de leurs droits fondamentaux.
Adopté plus tôt cette année, le Pacte européen sur la migration et l’asile, un recueil de 10 textes législatifs, commencera à être mis en œuvre en 2025 et entrera en vigueur en juin 2026 pour tous les États membres. Avant la fin du mois de décembre, les États membres de l’UE devraient publier leurs plans d’action respectifs. Malgré les promesses d’inclusion, de nombreux États membres continuent d’écarter la voix des organisations de la société civile et, surtout, des personnes exilées elles-mêmes, dont la vie et les droits seront directement affectés par ce pacte. De nombreuses ONG européennes, dont Médecins du Monde, ont alerté à plusieurs reprises sur les graves risques que ces mesures législatives font peser sur la vie, la santé et les droits des personnes migrantes et celles demandant l’asile, qu’elles soient en route vers l’Europe ou qu’elles y vivent déjà. Ces avertissements ont été largement ignorés.
Au lieu de cela, les organisations de la société civile sont maintenant invitées à jouer un rôle dans la mise en œuvre d’un Pacte qui contredit les droits fondamentaux des migrants. Dans le même temps, les actions de solidarité menées par la société civile – telles que le sauvetage de vies en mer, l’assistance aux personnes lors du franchissement des frontières, la fourniture de nourriture, d’un abri et d’un soutien juridique, et l’accompagnement des demandeurs d’asile et des réfugié·es dans leurs démarches – sont de plus en plus entravées par les mêmes États pourtant tenus de protéger et de promouvoir les droits humains.
Médecins du Monde a tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises sur la criminalisation de la solidarité avec les migrant·es, une tendance profondément préoccupante que ce Pacte ne parvient pas à combattre et qu’il risque de renforcer. Cette régression des droits perpétue un dangereux cycle d’exclusion et de répression au lieu de favoriser la protection et la dignité de celles et ceux qui cherchent refuge ou une vie meilleure.
Nous nous opposons fermement à de nombreuses mesures phares du Pacte, en particulier le règlement sur le filtrage, le règlement sur les procédures d’asile, le règlement sur la gestion de l’asile et des migrations et le règlement sur les crises. Ces instruments législatifs présentent la migration sous le seul prisme de la sécurité, violent les droits humains et entraîneront davantage de détentions, y compris de personnes mineures et d’autres populations vulnérables, tout en risquant de détériorer leur santé et d’ériger des obstacles encore plus importants aux soins de santé, à l’aide juridique et à d’autres services essentiels.
Le Pacte met un accent disproportionné sur la gestion des frontières, négligeant les causes profondes de la migration et le besoin urgent de voies sûres et légales, de mesures d’intégration efficaces et de protection de la vie et de la santé des personnes migrantes. En privilégiant la dissuasion et le contrôle, l’UE risque de perpétuer une crise humanitaire et des droits de l’homme à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières.
Médecins du Monde appelle les États membres de l'UE à :
- • Garantir des voies sûres et légales vers l'Europe afin que les personnes exilées puissent voyager sans risquer leur vie ;
- • Mettre fin aux renvois forcés et aux détentions arbitraires, qui violent le droit international et la dignité humaine ;
- • Investir dans l'accès aux services essentiels, notamment les soins de santé, le logement et l'aide juridique, pour tous les migrants et demandeurs d'asile ;
- • S'engager dans des consultations concrètes et systématiques avec la société civile, y compris les organisations travaillant directement avec les personnes migrantes, pour s'assurer que les politiques respectent les droits fondamentaux.
Il est urgent que l’UE et ses États membres cessent de criminaliser la solidarité et commencent à respecter leur engagement en faveur des droits humains. Les personnes exilées méritent non seulement la protection, mais aussi la dignité et l’inclusion qui accompagnent un accès équitable aux soins de santé, à la sécurité et à la justice.