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Gaîté Lyrique : pas d'expulsion sans solution

27.02.2025

La Gaîté Lyrique est occupée depuis le 10 décembre par environ 450 MNA qui revendiquent leur droit à une protection et à une prise en charge. Les conditions d’occupation sont très précaires et le tribunal administratif de Paris, saisi par la ville de Paris, propriétaire du bâtiment, a autorisé leur expulsion dans les prochaines semaines. C'est dans ce contexte, que nous avons envoyé un courrier à la mairie, la préfecture et le département afin de demander une rencontre pour trouver une solution ensemble.

Objet : demande de rencontre concernant la situation des MNA à la Gaîté Lyrique

Madame Dominique Versini, adjointe à la mairie de Paris en charge des droits de l’enfant,
Madame Anne Hidalgo, maire de Paris
Monsieur Marc Guillaume, préfet de la région Ile-de-France

Depuis le 10 décembre 2024, environ 400 mineurs non accompagnés occupent la Gaîté Lyrique, lieu culturel de la Ville de Paris. Ces garçons et ces filles n’ont pas été reconnus mineurs et isolés par l’AMNA et ont donc été contraints de quitter les dispositifs de protection de l’enfance. Toutes et tous ont saisi le juge des enfants pour contester cette décision.

Dans l’attente d’une décision judiciaire qui peut mettre entre 7 et 12 mois avant d’arriver, ces jeunes sont livrés à eux-mêmes, sans aucun accès à un dispositif de protection adaptée, sans ressources financières et sans accompagnement autre que celui fourni par les associations et les collectifs mobilisés à leurs côtés. A la rue, ils et elles sont exposés à l’errance, à des violences, ou encore au risque d’être soumis à l’emprise d’individus ou de réseaux d’exploitation ou de traite des êtres humains.
Ils et elles se retrouvent dans une situation de détresse extrême, faisant face à des difficultés de plus en plus importantes pour subvenir à leurs besoins essentiels : manque de matériel, difficulté d’accès aux repas, aux soins, aux douches ainsi qu’à des espaces de repos et de répit. Abandonnés par les autorités en charge de les protéger, ils et elles n’ont pas eu d’autres choix que d’occuper ce lieu pour revendiquer leur droit à une protection et à des conditions de vie dignes.
Médecins du Monde, par le biais de notre programme Veille Sanitaire Migrants et Permanence Psychosociale, est intervenu à plusieurs reprises auprès de ces jeunes. Nos équipes, composées de médecins généralistes, de médecins psychiatres, de psychologues, de médiateurs et d’interprètes, ont pu réaliser 263 consultations médicales sur place, lors desquelles elles ont pu constater des problèmes de type pneumologique et ORL, gastroentérologique, dermatologiques, psychiques et cardiologiques.
L’absence de protection, les conditions de vie très précaires, la promiscuité, le stress lié à leur situation sont autant de facteurs de risque qui dégradent leur état de santé et affectent leurs compétences psychosociales et leurs avenirs, alors même qu’ils et elles sont dans une période cruciale de construction de leur identité. Certains de ces jeunes présentent d’ailleurs une grande vulnérabilité psychique.

Si l’occupation organisée par le collectif des jeunes du Parc de Belleville était l’unique solution pour attirer l’attention sur leur situation et faire valoir leurs droits, il nous parait évident que la place de ces jeunes n’est ni dans la rue ni à la Gaîté Lyrique. Ce lieu n’est pas habilité et donc inadapté à l’accueil de mineurs, n’offrant aucun accompagnement socio-éducatif adapté à leur âge et à leurs vulnérabilités.

Les expulser sans diagnostic social préalable et sans leur proposer de solutions d’hébergement adapté, digne, pérenne et inconditionnel reviendrait à les replonger dans des situations de rue qui seraient délétères pour leur santé physique et psychique.
Nous considérons qu’il est encore temps d’agir différemment et de trouver une solution pensée collectivement et ouvrant la voie à des pratiques respectueuses de la dignité des personnes concernées. Nous demandons urgemment une réunion avec l’ensemble des autorités et personnes concernées afin d’engager une réflexion partagée sur l’ouverture de dispositifs d’hébergement et d’accompagnement adaptés, qui respectent l’intérêt supérieur de l’enfant et le principe de présomption de minorité. Il s’agit ici de préserver les droits de ces enfants, d’éviter tout dommage irréparable sur leur santé, leur sécurité, leur droit au séjour et de répondre à leurs besoins de prise en charge socioéducative.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Monsieur, l’expression de nos respectueuses salutations.

Jean-François Corty,
Président de Médecins du Monde France