Domiciliation en Ile-de-France : une enquête inédite révèle les difficultés d’accès à une adresse administrative pour les personnes sans domicile stable
11.03.2025

© Nicolo Brugnara
La domiciliation est un droit essentiel qui permet à une personne sans domicile stable de disposer d’une adresse administrative. Mais ce droit est loin d’être respecté. C’est ce que révèle une enquête inédite menée par le Collectif Domiciliation Ile-de-France auprès des Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) des Mairies, responsables de le faire appliquer. En effet, la moitié des CCAS interrogés refuse de domicilier des personnes vivant sur leur commune en bidonville, en squat et/ou à la rue. Au-delà d’être illégale, cette pratique entrave l’accès aux démarches administratives et aux droits sociaux des personnes.
La domiciliation administrative permet de disposer d’une adresse pour recevoir du courrier et réaliser de nombreuses démarches administratives : demande d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport, exercice d’une activité commerciale, bénéfice des prestations sociales, demande d’aide médicale de l’État (AME), bénéfice de l’aide juridictionnelle, ou encore accès à un compte bancaire.
Menée en 2024 auprès de 96 CCAS franciliens, cette enquête met en évidence plusieurs obstacles majeurs liés à ce droit essentiel sur l’ensemble du territoire. Obtenir une domiciliation administrative est un véritable parcours semé d’embûches. Les personnes sans domicile fixe se heurtent dans un premier temps à un manque d’information et d’accompagnement par les CCAS. Elles sont également confrontées à des pratiques restrictives qui ne respectent pas toujours le cadre légal et entravent l’accès effectif à la domiciliation : refus de reconnaître certains liens comme suffisants pour établir le rattachement à la commune, demandes abusives de pièces justificatives ou ajout de conditions extralégales, etc. Par ailleurs, l’enquête souligne des comportements discriminatoires spécifiques à l’égard des personnes en situation administrative irrégulière.
Principaux résultats de l’enquête :
Accès à l’information et accompagnement social par les CCAS, un parcours semé d’embûches :
- Seuls 44 % des CCAS ciblés mentionnent l’existence d’un service de domiciliation sur leur site internet.
- 87 % des CCAS imposent une prise de rendez-vous préalable une disposition non adaptée aux publics en situation de précarité.
De nombreux CCAS appliquent des critères restrictifs et illégaux qui entravent l’accès effectif à la domiciliation :
- 57 % des CCAS refusent de domicilier des personnes qui vivent à la rue sur leur commune, et 46 % d’entre eux refusent de domicilier des personnes qui vivent en bidonvilles.
- 40 % des CCAS refusent de domicilier les personnes en situation administrative irrégulière.
- 62 % des CCAS refusent de domicilier les personnes ayant un suivi médical dans leur commune.
« Malgré mon suivi médical dans un centre de santé sur la ville, le CCAS a refusé ma domiciliation après deux mois d’attente. Pendant toute cette période, je n’ai pas pu demander l’aide médicale de l’État à l’Assurance Maladie alors que je remplissais les autres conditions depuis plusieurs mois. C’est finalement Médecins du Monde qui m’a ouvert la domiciliation et avec ça, j’ai enfin pu déposer ma demande d’AME », témoigne Ibrahim, vivant en squat en Seine-Saint-Denis.
« Ces refus de domiciliation, nombreux et généralisés, ont un impact très concret sur la vie des personnes et entravent l’accès à leurs droits fondamentaux. Il est inadmissible que les CCAS ne remplissent pas leur mission de service public, et pire encore mettent en œuvre des pratiques illégales et discriminatoires à l’encontre de personnes en situation de précarité », alerte Marthe Chabrol coordinatrice du Centre d’Accueil, d’Orientation et d’Accompagnement de Médecins du Monde à Paris.
Le Collectif Domiciliation Ile-de-France, regroupant 6 associations et fédérations d’associations, appelle à améliorer les pratiques de domiciliation des CCAS en Ile-de-France, à travers un meilleur contrôle des pratiques, une meilleure formation des agent·es et une consolidation des crédits et budgets alloués dans un contexte budgétaire sous contrainte. Il appelle également à consolider le droit à la domiciliation en faisant évoluer le cadre législatif pour qu’il soit plus contraignant à l’égard des pouvoirs publics.
Pour consulter le rapport en intégralité
COLLECTIF DOMICILIATION ILE-DE-FRANCE
CNDH Romeurope
Dom’Asile
Fédération des Acteurs de la Solidarité Ile-de-France
Médecins du Monde
Secours Catholique Caritas France
Solidarité Jean Merlin