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Conseil national de la refondation : « où sont les pauvres ? »
Tribune. Conseil national de la refondation : « où sont les pauvres ? », demandent les associations de solidarité.
Monsieur le Président, nous répondrons une nouvelle fois présent à la prochaine plénière du Conseil national de la refondation (CNR) lundi 12 décembre. Mais cette « nouvelle méthode pour construire ensemble des solutions aux défis de notre pays » peut-elle continuer à faire l’impasse sur celui de la pauvreté, qui s’accroît inexorablement au fil des ans ? Le Conseil national de la refondation doit s’inscrire dans la continuité des grandes avancées sociales du Conseil national de la résistance, et donc fixer des objectifs ambitieux et clarifier « la méthode » envisagée pour lutter efficacement contre la précarité.
Après-guerre, le Conseil national de la résistance avait donné naissance au modèle social français que nombre de pays nous envient : une forte protection contre les risques de la vie (santé, chômage, logement), un droit à la retraite, de faibles inégalités de revenu. Toutefois, depuis 20 ans, la pauvreté ne diminue plus, la grande pauvreté progresse et les inégalités se creusent. Depuis 2015, le recul du chômage, censé réduire la pauvreté, s’est en réalité fait au prix d’une flexibilisation du droit du travail et d’une précarisation des emplois. Un million de travailleurs vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.
Avec la hausse des prix, l’hiver qui vient va être un enfer pour les plus pauvres et modestes qui rencontrent d’importantes difficultés pour s’alimenter ou se chauffer convenablement et qui reportent des soins. Oui, il y a eu des aides pour amortir la crise. Mais il faut arrêter avec les « petits chèques » qui ne suffisent pas, nous en appelons à de vraies mesures structurelles pour celles et ceux qui vivent dans la misère ou risquent d’y basculer. Et les réformes structurelles engagées ou annoncées (assurance chômage, retraite) vont au contraire avoir des impacts dramatiques sur les personnes les plus fragiles.
« Les solutions sont connues de longue date : d’abord, les associations du collectif ALERTE demandent une revalorisation des revenus, et notamment des minima sociaux et des allocations logement pour faire face à l’inflation galopante sur les produits de première nécessité à commencer par les familles avec enfant car la pauvreté s’hérite trop souvent »
Si nous participons, d’une semaine sur l’autre, aux multiples concertations thématiques engagées depuis septembre, nous mettons aujourd’hui en garde sur une méthode où l’essentiel n’est pour le moment pas abordé, où aucun cadrage budgétaire n’est avancé et où les modes délibératifs choisis, sans proposition ni conclusion, peuvent être questionnés… Nous appelons à un changement de méthode qui permette à nos organisations de travailler avec les personnes concernées dans une temporalité raisonnable, et revendiquons que toute politique publique soit évaluée en amont à l’aune de l’impact sur les 10% les plus modestes.
Financer la construction de 150 000 logements sociaux par an
Le Pacte des solidarités annoncé par la Première ministre pourrait être l’occasion, si les moyens consacrés sont significatifs, de se doter d’un objectif ambitieux d’élimination de la pauvreté, selon votre engagement pris en 2018. Les nombreux travaux réalisés ces dernières années dans les instances consultatives (CESE, CNLE, CNCDH, …) doivent constituer la base de ce Pacte de solidarités. Les solutions sont connues de longue date : d’abord, les associations du collectif ALERTE demandent une revalorisation des revenus, et notamment des minima sociaux et des allocations logement pour faire face à l’inflation galopante sur les produits de première nécessité à commencer par les familles avec enfant car la pauvreté s’hérite trop souvent, sans oublier les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. De plus, le sort fait à la jeunesse nécessite l’ouverture des droits sociaux dès 18 ans.
Ensuite, l’offre de logements dignes et abordables doit être une priorité, notamment en finançant la construction de 150 000 logements sociaux par an. Plus aucune famille ne doit vivre à la rue ! À cet effet, le CNR logement doit intégrer la réflexion sur l’accompagnement vers des solutions adaptées d’hébergement et de logement de l’ensemble des personnes qui vivent à la rue, en squats ou bidonvilles en évitant les ruptures de parcours répétées.
« Nous demandons une simplification des différentes démarches administratives par exemple pour l’accès à une couverture maladie et nous pointons les limites de la dématérialisation qui impacte négativement cet accès pour les personnes les plus éloignées de la protection sociale et de la santé »
Par ailleurs, pour favoriser l’effectivité des droits, nous demandons une simplification des différentes démarches administratives par exemple pour l’accès à une couverture maladie et nous pointons les limites de la dématérialisation qui impacte négativement cet accès pour les personnes les plus éloignées de la protection sociale et de la santé quand elle se fait au détriment de la possibilité de rencontrer effectivement une personne qui puisse résoudre les difficultés.
Enfin, nous pensons nous aussi que l’emploi peut réduire la pauvreté, à condition qu’il soit décent. C’est pourquoi, nous demandons le doublement des places en insertion par le travail, la pérennisation des expérimentations au sein du secteur adapté, la création de 100 territoires zéro chômeur de longue durée et un « aller vers » les personnes durablement éloignées de l’emploi que permettrait le déploiement de professionnels sur le terrain en nombre suffisants et le renforcement des moyens d’accompagnement du service public de l’emploi. Dans la même optique, nous demandons que les demandeurs d’asile puissent accéder à la formation professionnelle et à l’emploi dès la délivrance de leur dépôt de demande d’asile. Qui plus est, donner des titres de séjour aux étrangers en situation irrégulière lorsqu’ils exercent un travail est primordial plutôt que de les maintenir dans la précarité faute de droits.
Les associations de solidarité se réuniront le 11 janvier pour décider de la suite de leur participation aux multiples concertations et aux CNR. Elles adresseront au gouvernement 20 mesures concrètes et urgentes pour lutter contre la pauvreté.
Signataires
- Noam Leandri, Président du collectif ALERTE
- Laurent Berger, Secrétaire général de la CFDT
- Pascal Brice, Président de la Fédération des acteurs de la solidarité
- Véronique Devise, Présidente du Secours catholique
- Daniel Goldberg, Président de l’Uniopss
- Marie-Aleth Grard, Présidente d’ATD Quart Monde
- Pascale Ribes, Présidente d’APF France Handicap
- Dr Florence Rigal, présidente de de Médecins du Monde
- Christophe Robert, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre
- Antoine Sueur, Président d’Emmaüs France
- Alain Villez, Président des Petits Frères des Pauvres