L'Europe doit cesser de s’opposer à la levée des droits de propriété intellectuelle à l’OMC
Hier, s’est conclue une nouvelle réunion du Conseil de l’accord sur les aspects de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour discuter une levée temporaire de certains droits de propriété intellectuelle sur les technologies nécessaires à la réponse à l’épidémie de Covid-19. Au cours de cette réunion, l’Union Européenne a poursuivi, une fois de plus, sa stratégie de diversion et n’a pas saisi l’opportunité d’un soutien ferme à la proposition initiée par l’Inde et l’Afrique du Sud, désormais soutenue par plus de 100 pays et depuis ce jour par la France.
Lors de la réunion formelle du Conseil des ADPIC, les pays membres de l’OMC ont accepté, ce mercredi 9 juin, d’entamer des discussions sur le texte de la proposition de dérogation de l’Afrique du Sud et de l’Inde et sur la contre-proposition de l’Union européenne. Cependant, l’UE, le Royaume-Uni, la Suisse et la Corée étant toujours opposés à la dérogation, il reste encore un long chemin à parcourir avant de parvenir à un consensus.
Alors que les soutiens à la demande de dérogation s’élargissent, les Etats-Unis étant notamment prêts à initier les négociations sur la proposition indienne et sud-africaine, Emmanuel Macron a annoncé aux ONG, hier, son soutien à la levée temporaire des droits de propriété intellectuelle. Un soutien suivi par le Parlement européen ayant adopté un amendement invitant l’UE à soutenir la mesure et à s’engager de manière constructive à l’OMC.
De fait, la contre-proposition européenne se voit inadaptée et expose l’isolement de l’Europe face à un des problèmes de santé mondiale les plus pressants de notre temps. Celle-ci, qui restreint son attention sur la limite aux restrictions à l’exportation, l’expansion de la production et la facilitation de l’utilisation des licences obligatoires dans l’accord sur les ADPIC, rend encore moins probable tout accord rapide sur la proposition des pays du Sud, et pourrait même la faire échouer.
Bien que importantes en temps normaux, les propositions introduites par Bruxelles ne sont pas à la hauteur des enjeux et apportent des solutions qui, depuis le début de la pandémie, n’ont montré aucune efficacité dans la réduction des inégalités d’accès à la vaccination dans le monde. Si, d’une part, le partage volontaire des brevets et des savoir-faire par les industriels en ces temps exceptionnels a été un échec, laissant de nombreux pays de côté, d’autre part, l’accent mis sur la licence d’office occulte les difficultés concrètes pour sa mise en œuvre, oubliant d’autres barrières posées par les droits de propriété intellectuelle, au-delà des brevets.
« Alors que les pays sont on détresse, l’Union européenne persiste à nous faire perdre du temps en cherchant à ‘clarifier’ des clauses d’ores et déjà inscrites dans le traité ADPIC depuis 25 ans. En s’attaquant uniquement aux barrières liées aux brevets, l’UE manque de traiter l’ensemble des barrières liées à la propriété intellectuelle, telles que le secret des affaires et l’exclusivité des données, qui empêchent de produire le vaccin à plus grande échelle.” affirme le Dr. Philippe de Botton, président de Médecins du Monde.
« Suite à notre réunion avec les ONG hier à l'Elysée, nous saluons la position d’Emmanuel Macron en faveur de la levée des droits de propriété intellectuelle auprès de l’OMC. »
En revanche, nous restons vigilants aux contours de ce soutien, qui doit rester large, et à ce que le gouvernement français respecte aussi ses autres engagements, financiers et en termes de partage de doses de vaccins, en vue d’une réponse qui tienne compte des différentes barrières et qui permette une solution immédiate face à l’urgence sanitaire ».
Face à cette proposition peu ambitieuse, reposant sur des engagements qui n’ont, jusqu’à présent, apporté aucun résultat concret pour surmonter la pandémie, la France, dont la position en faveur de la levée des brevets à l’OMC se voit désormais confirmée par l’engagement du Président de la République, doit impérativement encourager l’Union européenne à revoir sa position et appuyer la proposition de l’lnde et de l’Afrique du Sud lors du G7 et de la prochaine réunion du Conseil ADPIC.