Conditions de travail des travailleurs des plateformes : Médecins du Monde soutient la proposition de résolution discutée au Sénat
19.02.2025
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Aujourd'hui, le Sénat débattra d'une résolution essentielle visant à transposer en droit français une directive européenne adoptée en 2024 sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques. Médecins du Monde encourage fortement les décideurs à saisir cette opportunité pour mettre fin à une inégalité majeure en matière de soins et de droits, en garantissant à ces travailleurs une meilleure prise en charge en santé globale.
Médecins du Monde, membre de l’association « Maison des Livreurs » à Bordeaux, se mobilise depuis plusieurs années pour dénoncer les conditions de travail des livreurs des plateformes numériques, et leur impact délétère sur la santé.
« Du fait de leur parcours migratoire, mais aussi de leurs conditions de travail et de vie, les livreurs sont polytraumatisés. Ces facteurs génèrent entre autres du stress, de l’anxiété et des troubles du sommeil. Ils sont aussi exposés aux accidents de la route et aux violences physiques et verbales de certains clients et restaurateurs. Malgré tout, beaucoup ne font pas prendre en charge leurs blessures. Il y a plusieurs raisons à cela, notamment la peur de se faire arrêter par la police en allant à l’hôpital, de ne plus pouvoir travailler et de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leur famille (…). Le peu de transparence de la part des plateformes numériques génère également une angoisse constante. Ils sont toujours dans la crainte de ne plus pouvoir travailler. C’est un cercle vicieux. » Témoigne Louise Robinaud, psychologue à Médecins du Monde et intervenante à la « Maison des Livreurs » à Bordeaux.
Le législateur français a désormais la responsabilité de traduire cet engagement en mesures concrètes en faveur de la justice sociale.
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Notre communiqué
Les alertes se multiplient en France et à l’international sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques comme Uber, Stuart et Deliveroo, les conséquences délétères du management algorithmique et le dévoiement du statut d’indépendant à des fins de contournement des obligations et cotisations employeurs.
Nos associations accompagnent au quotidien ces travailleurs précarisés à Paris et à Bordeaux. Nous soutenons cette proposition de résolution au Sénat, car elle reste le meilleur espoir d’amélioration de leurs droits et conditions de travail. Elle faciliterait aussi la requalification des faux indépendants et
limiterait le pouvoir de sanction des algorithmes. Au moins 600 000 personnes sont concernées (DARES, 2024).
En mars 2023, l’Organisation Internationale du Travail a décidé d’inscrire à l’ordre du jour des 113e et 114e sessions de la Conférence internationale du Travail (juin 2025 et 2026) une discussion normative sur le travail décent dans l’économie de plateforme. Les Nations Unies dans son rapport Extrême
Pauvreté et Droits humains du 13 juillet 2023 alertent sur les menaces pour les travailleurs du développement du travail via une plateforme numérique et le vide juridique dans de nombreux pays. En octobre 2024, le Conseil de l’Union Européenne a définitivement adopté une directive qui vise à renforcer les droits des personnes travaillant pour des plateformes numériques.
La France s’est opposée à cette directive malgré un large consensus des pays européens. En effet, malgré les préoccupations exprimées par les instances internationales précédemment citées et la multiplication des études démontrant la précarité des conditions de travail, la France continue d’offrir
depuis plus de dix ans un contexte exceptionnellement favorable aux plateformes numériques. Il n’y a toujours aucun cadre juridique, ni de mécanismes de contrôle, ni de réglementations spécifiques. Des multinationales étrangères ont ainsi pu facilement s’implanter en France et détourner le statut d’indépendant, contournant ainsi les dispositions du Code du Travail, les contrôles de l’Inspection du Travail et le financement du système de solidarité nationale.
Le modèle des plateformes dans le secteur de la logistique du dernier kilomètre est sans doute la forme la plus extrême de la précarité de ces travailleurs : isolés en rue, rémunérés largement en dessous du SMIC horaire, surexposés aux accidents, surexposés aux risques de santé, subordonnés à un management algorithmique, incités à des performances déraisonnables et soumis au quotidien à la crainte de la déconnexion de compte sans motif clair.
Selon les données INSEE / URSSAF, cette situation concerne plus de 160 000 personnes en France, dont un nombre conséquent est domicilié dans des structures pour sans domicile fixe et précaires. Accompagnées par les associations de lutte contre la précarité et les syndicats, la majorité des personnes rencontrées sont d’origine étrangère et expriment réaliser cette activité par contrainte et non par choix, en complète opposition avec les efforts de communication des plateformes numériques sur le désir d’indépendance des travailleurs