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10 ans de non-accueil des personnes exilées à Paris et en France
Tribune
Mr le Président, il est urgent de résoudre 10 ans d’une situation intenable : celle du non-accueil et de la violence institutionnelle envers les personnes exilées. En 2015, le nombre de personnes venues demander l’asile en Europe augmente. Cette situation, rendue visible à Paris par l’installation de centaines puis de milliers de personnes dans des campements de rue, est qualifiée de « crise migratoire ». Une appellation que nous rejetons, constatant quotidiennement sur le terrain que c’est le système d’accueil qui est en crise. Pour les familles, enfants, femmes et hommes qui survivent dans ces lieux de vie informels, les conditions de vie sont délétères pour leur santé physique et psychique et parfois fatales.
Bien que très visible à Paris, cette situation a des répercussions nationales : le cycle infernal de démantèlements de ces campements et d’opérations de “mises à l’abri”, s’accompagne de la délocalisation en bus de ces personnes vers d’autres régions, la plupart du temps sans concertation avec elles. Elles subissent alors une perte de repères, de ressources et d’opportunités dans un contexte déjà précaire d’hypermobilité. Par ailleurs, Paris est souvent un lieu d’étape avant le littoral des Hauts-de-France où les atteintes aux droits fondamentaux sont innombrables et mortifères.
Un état de fait intolérable, auquel vous disiez précisément souhaiter mettre un terme lorsque vous déclariez, le 27 juillet 2017 : « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus ».
Cette situation de non-accueil, c’est aussi 10 ans de victoire idéologique de l’extrême-droite, car elle est pensée structurellement pour éviter un supposé « appel d’air ». Cette théorie infondée, largement infirmée depuis des années par les chercheur·es qui travaillent sur ces questions, propose une lecture erronée des dynamiques de l’exil consistant à croire que l’on fuirait les persécutions et la pauvreté non pas en dernière mesure pour se sauver, mais plutôt pour venir profiter à Paris d’une place d’hébergement ou de minimas sociaux. Les équipes gouvernementales successives ont ainsi appliqué une politique de non-accueil systématique et fait de la vie des primo-arrivant·es un enfer. Le passage par la case sans-abrisme est devenue à leurs yeux obligatoire pour supposément dissuader de venir, ou de rester, toutes celles et ceux qui viennent demander une protection dans notre pays.
Ces 10 dernières années ont été marquées par la maltraitance des personnes exilées à Paris et en Île-de-France. Diverses modalités de gestion de l’enregistrement des personnes ont été expérimentées : des files d’attente interminables devant des dispositifs sous-dimensionnés, notamment durant l’épisode de la « Bulle humanitaire » à Porte de la Chapelle ; la dématérialisation du guichet de demande d’asile, devenu un numéro de téléphone payant en 2017, et qui participe à l’invisibilisation des personnes exilées des espaces publics sans pour autant faciliter leur accès aux dispositifs et à leurs droits. L’encampement des personnes exilées se traduit par l’existence de nombreux lieux de vie informels et notamment de campements regroupant parfois jusqu’à 4000 personnes à Paris et en petite couronne. Les nombreuses tentatives des autorités de mettre fin à ce phénomène par une politique de « zéro points de fixation » se sont matérialisées par des scènes de violences répétées lors et suite aux démantèlements de ces lieux de vie. A l’instar du nettoyage social organisé à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), la réponse politique a toujours été plus policière qu’humanitaire, dévoyant l’usage initial prévu du service public policier et faisant des expulsions et du harcèlement par les forces de l’ordre, l’une des conditions structurelles du quotidien des personnes exilées à Paris.
Mais cette décennie a aussi été marquée par plusieurs épisodes de prises en charge d’ampleur ; pendant la pandémie de la Covid-19 en mars 2020, lors de l’arrivée des 3000 Afghan·es qui fuyaient la prise de Kaboul par les talibans en août 2021, ou à l’occasion de l’accueil inconditionnel des Ukrainien·nes dès le mois de mars 2022.
Ce choix structurel du non-accueil et donc du renforcement du sans-abrisme dans notre pays et de son traitement partiel et très court-termiste dans une urgence perpétuelle, légitimée par l’emploi du terme de « crise », semble être la méthode préfectorale envisagée pour encore de nombreuses années. En effet, depuis 2015, les préfectures d’Île-de-France ont organisé à minima 405 opérations de « mise à l’abri » de ces campements. Pourtant, dans une France qui se disait « prête à accueillir le monde » pour ces JOP et qui a vu lors de la cérémonie d’ouverture Filippo Grandi le Haut-Commissaire des Nations Unis pour les réfugiés recevoir les Lauriers olympiques, les campements et la rue restent le seul recours pour les futur·es arrivant·es.
Il y a urgence à mettre un terme à 10 ans de non-respect des droits humains et de nos engagements en droit international. Pour cela de nombreuses solutions existent : ouvrir des dispositifs de premier accueil inconditionnels à Paris et dans d’autres villes d’arrivée, calqués sur ceux prévus pour les Ukrainien·nes. Réquisitionner des bâtiments vides pour agrandir le parc de logement et d’hébergement au niveau national. Et enfin, mettre des moyens financiers et humains à la hauteur des besoins, afin de faciliter l’insertion dans la société des personnes exilées dès leur arrivée, en rendant effectif leur accès au marché du travail, à des cours de français, à un logement digne et à un réel accompagnement social et sanitaire.