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L’enfer vert du Darién : une crise humanitaire oubliée

Articles 18.12.2023

A l'occasion de la Journée mondiale des personnes migrantes, Médecins du Monde rappelle que des actions concrètes sont nécessaires de toute urgence pour répondre aux enjeux de la crise humanitaire au cœur de la jungle du Darién.

Le Darién – théâtre d’une crise humanitaire

Entre janvier et septembre 2023, plus de 457 000 personnes ont traversé « l’enfer vert », une dense forêt tropicale, frontière naturelle entre la Colombie et le Panama. Principalement d’origine vénézuélienne, mais également colombienne, haïtienne, péruvienne, équatorienne, cubaine, chilienne, afghane, camerounaise ou encore chinoise, elles et ils entreprennent ce parcours migratoire en quête d’une vie digne, de sécurité ou encore de liberté. Si tant de personnes empruntent ce passage réputé pour sa dangerosité, c’est notamment en raison des restrictions de visa et de dépôt de demande d’asile mises en place par le gouvernement des États-Unis, mais aussi des pays d’Amérique centrale dans le cadre des accords de coopération avec les États-Unis en matière de migration. Faute d’autres voies, de nombreuses personnes exilées sont ainsi contraintes d’emprunter d’autres routes, plus dangereuses.

Ce trajet de 100 km environ et d’une durée de 3 à 10 jours voire plus à travers cette dense forêt tropicale, présente des dangers tels que de nombreux insectes vecteurs de maladies, serpents venimeux, eaux contaminées, des chutes et blessures liées aux conditions de terrains boueux, et la traversée de nombreuses rivières, rendant la situation encore plus périlleuse pendant les épisodes de pluie. Outre les dangers liés aux caractéristiques climatiques et géographiques, les personnes migrantes font face à diverses formes de violences de la part de multiples groupes criminels présents, ainsi que de certaines communautés locales, principalement du côté Panaméen. Les femmes et jeunes filles sont particulièrement exposées à des violences sexistes et sexuelles. Des viols collectifs, des extorsions et des enlèvements ont été fréquemment signalés.

Les personnes exilées qui traversent ont des profils très divers, et on y compte de nombreuses familles, des enfants, et y compris des enfants en bas âge et des femmes enceintes, ainsi que des personnes à mobilité réduite. Autant de personnes rendues d’autant plus vulnérables aux dangers de cette traversée.

Les actions de Médecins du Monde dans le Darién

Médecins du Monde est présent en Colombie depuis 1987, auprès des personnes les plus vulnérables. Face à la crise humanitaire actuelle, nous avons ouvert une mission depuis octobre 2023 à l’entrée du Darién. Cette mission vise à fournir des services médicaux aux personnes exilées qui se préparent à traverser. Nous leur offrons un accès aux soins primaires ainsi qu’aux informations et actions de prévention essentielles concernant les conditions de la traversée. De nombreuses personnes rencontrées par nos équipes n’ont pas eu accès à des services de soins depuis longtemps, en raison de leurs conditions de vie dans leur pays d’origine, des difficultés liées au long parcours migratoire, ou encore de leur statut administratif dans les pays d’accueil et de transit. La longueur et les difficultés des démarches administratives pour obtenir le statut temporaire de protection en Colombie a ainsi retardé l’accès aux soins de certaines des personnes vénézuéliennes rencontrées. Ainsi, de nombreuses femmes enceintes n’ont pas eu accès à un suivi de grossesse, pourtant essentiel pour la mère et l’enfant.

Témoignage

Tanya, 32 ans, a fui la guerre civile au Cameroun. Du Cameroun, par le Nigeria jusqu’au Brésil, enceinte de 6 mois et demi, elle a atteint l’entrée du Darién en 10 jours de voiture. Ce périple a été extrêmement difficile pour elle en raison des secousses en voiture, provoquant des douleurs. Tanya a été très émue de pouvoir écouter les battements du cœur de son bébé et de recevoir les soins nécessaires par Médecins du Monde afin d’améliorer les conditions de sa traversée du Darién.

Tout le monde n’entame pas la traversée du Darién dans les mêmes conditions. Nous rencontrons chaque jour des personnes en situation de handicap moteur, dont Luz, adolescente vénézuélienne de 12ans, qui entame la traversée du Darién accompagnée de sa maman, dans l’espoir d’être soignée aux Etats-Unis.

Il faut être forte parce que ce n’est pas facile de migrer, de quitter son pays d’origine pour un pays où tu ne connais personne, de traverser des frontières avec tous les risques que ça représente, encore plus avec une enfant handicapée, sans savoir si à la fin on va t'aider.

Témoignage

Luz, victime de plusieurs traumatismes, présente un handicap moteur entraînant une faible mobilité des membres inférieurs. Sa mère Gyadia, laissant ses autres enfants au Venezuela, se voit obligée d’aller aux États-Unis à la recherche de soins médicaux spécialisés pour sa fille, car aucune assistance n’est disponible au Venezuela, n’ayant pas les ressources économiques nécessaires. L’état de santé de Luz se dégrade rapidement, n’ayant pas les médicaments dont elle a besoin. Gyadia ne peut pas payer un mochilero (porteur, ndlr), et place de grands espoirs dans la solidarité des autres migrant·es pour porter sa fille lors de la traversée. Médecins du Monde a pu procurer des soins et donner des médicaments à Luz afin d’améliorer ses conditions de traversée.

Pour une réponse urgente à cette crise humanitaire

La situation des personnes réfugiées et migrantes qui entreprennent la traversée du Darién continue de s’aggraver, leurs droits sont vulnérables, et pourtant cette crise ne semble pas retenir l’attention des médias et des bailleurs occidentaux.

Médecins du Monde alerte sur la situation humanitaire dans le Darién, et revendique :

  • Une meilleure coordination à l’échelle régionale entre les pays de transit et d’accueil pour garantir l’accès à la santé et aux droits des personnes exilées au cours de leur parcours migratoire et prévenir les atteintes à leur vie et plus largement aux droits humains.
  • La mise en place de voies de migration sûres et légales, et la levée des barrières pour le dépôt de la demande d’asile.
  • Une réponse financière à la hauteur des besoins pour permettre la continuité et le développement des acteurs de la réponse humanitaire dans la région.

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