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AME : l'Aide Médicale d'Etat

© Olivier Papegnies

L’AME : c’est quoi ? Qui peut en bénéficier ?

L’AME est une prestation d’aide sociale financée par l’Etat, qui permet aux personnes précaires en situation irrégulière d’accéder aux soins.

Ses conditions d’accès sont restrictives. Pour pouvoir en bénéficier il faut :

  • Être sans titre de séjour
  • Prouver sa résidence irrégulière en France depuis au moins 3 mois consécutifs
  • Avoir des ressources inférieures à 10 166€ / an pour une personne seule.

Concrètement, le dispositif concerne les personnes sans-papiers les plus précaires, majoritairement des travailleurs et travailleuses informels du secteur du soin, du BTP, de la restauration ou encore de la livraison. Autrement dit, ce sont celles et ceux qui prennent soin de nos enfants ou de nos aînés, qui construisent ou entretiennent nos villes, qui cuisinent ou livrent nos repas.

Désinfox : le dernier rapport des services d’inspection générale de l’Etat, dirigé par Claude Evin et Patrick Stefanini (décembre 2023), dissipe définitivement les fantasmes autour du prétendu « appel d’air », de « l’immigration thérapeutique » ou du « tourisme médical » que susciterait l’AME. Il confirme les résultats de nombreuses études scientifiques qui montrent que le niveau de prestations sociales, comme la couverture santé, n’est pas un élément déterminant pour choisir le pays de destination pour les personnes souhaitant migrer. Même après 5 année ou plus de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n’ont pas accès à l’AME.

Une protection maladie de second rang

L’AME prend en charge les frais de santé à hauteur de 100 % du tarif sécurité sociale, et exclut les dépassements d’honoraires et les restes à charge. Elle ne permet donc pas l’accès effectif à des nombreux soins en raison de leur coût. Les bénéficiaires de l’AME ne peuvent notamment pas bénéficier du 100% Santé (audio, optique, dentaire) contrairement aux personnes assurées sociales qui bénéficient de contrats de complémentaires ou de la complémentaire santé solidaire (C2S, ex CMU-C). En pratique les prothèses dentaires, les prothèses auditives et l’optique restent donc inaccessibles financièrement avec l’AME.

Désinfox : contrairement à ce qui est avancé dans les débats, l’AME ne couvre pas les opérations de chirurgie esthétique mais seulement la chirurgie réparatrice pour raison médicale. Concernant l’otoplastie (correction des déformations des oreilles) par exemple, il s’agit exclusivement de reconstructions après traumatisme (morsure par exemple) ou de malformations congénitales (microtie, anotie) entraînant par exemple surdité, troubles du déficit de l’attention et retard de l’acquisition du langage pour les enfants concernés. Par ailleurs, ces opérations restent très difficile d’accès en médecine de ville en raison de restes à charge très élevés.

 

La carte AME ne donne pas accès aux mêmes soins que la carte vitale. Sont exclus : les frais d’examen de prévention bucco-dentaire pour les enfants, les frais de traitement et d’hébergement des personnes handicapées, les médicaments à faibles services rendus, les indemnités journalières, les frais de transport, la PMA ou encore, les cures thermales,

En outre, la prise en charge de certains soins (prothèse de genou, d’épaule ou de hanche, allogreffe de cornée, …) est subordonnée à un délai d’ancienneté de bénéfice de l’AME de 9 mois.

Désinfox : le rapport Evin-Stefanini ferme définitivement la porte à l’idée d’une réduction du périmètre de l’AME aux seuls soins urgents et vitaux qui « aurait pour triple impact une dégradation de l’état de santé des personnes concernées, des conséquences possibles sur la santé publique et une pression accentuée sur les établissements de santé ». 

Des entraves à l’accès importantes

Ce ne sont pas les fraudes ni les abus qui caractérisent l’AME, mais le manque d’information qui entraîne du non-recours et de la difficulté pour les personnes concernées à faire valoir leurs droits.

Selon l’enquête « Premiers Pas » le taux de non-recours à l’AME atteint 49 %.

Parmi les patients consultants à Médecins du Monde en 2022 (14 centres de santé répartis sur toute la France, plus de 17.000 personnes accueillies) : 1 personne sur 2 est en retard de recours aux soins parmi celles qui sont éligibles à l’AME. Notre enquête inter associative (avril 2023) recense les obstacles administratifs qui compliquent l’accès : insuffisance des lieux de dépôt, obligation de prise de RDV préalable, conditions d’accueil inadaptées…

Désinfox : de nouvelles restrictions des conditions d’accès à l’AME priveraient de couverture maladie de nombreuses personnes, qui seraient contraintes de renoncer à se soigner et verraient leur état de santé se détériorer, et plus globalement celui de la population. En Espagne, la restriction de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière votée en 2012 a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité des sans-papiers de 15% en 3 ans. Cette réforme a finalement été abrogée en 2018 face aux conséquences humaines et sanitaires dramatiques.

Pour une abrogation des mesures restrictives des droits de santé des étrangers précaires

Un dispositif maîtrisé

Le budget de l’AME ne représente que 0,47 % de celui de l’assurance maladie – une proportion stable depuis des années.

Les dépenses de l’AME sont maîtrisées et augmentent au même rythme que celles de l’assurance maladie compte tenu du nombre de bénéficiaires.

L’AME est une prestation très contrôlée, qui fait l’objet de rapports de l’Inspection Générale des Affaires sociales et de l’Inspection Générale des Finances. La hausse toute relative du budget est liée à l’augmentation du nombre de personnes en situation irrégulière qui vivent durablement sur le territoire mais ne parviennent pas à se régulariser en raison des politiques de plus en plus restrictives d’accès au séjour.

Désinfox : l’introduction d’une contribution forfaitaire pour l’accès à l’AME n’aurait aucun bénéfice financier sérieux. Ce serait une mesure essentiellement symbolique aux conséquences graves : nouvelle barrière économique, elle entraînerait une aggravation du retard de la prise en charge médicale, tout en étant très coûteuse en gestion. La précédente mise en œuvre de cette mesure en France en 2011 a introduit une forte pression sur le système hospitalier (+18% de fréquentation) et les urgences (+7%), et a été supprimé en conséquence en 2012.

L’AME : un dispositif essentiel pour l’équilibre de notre système de santé

Vouloir supprimer l’AME et restreindre l’accès aux soins aux seuls soins urgents est un non-sens en matière de santé des personnes et de santé publique.

Ce serait une mise en danger directe de personnes, qui seraient privées des actions de prévention et de diagnostics précoces réalisés par les médecins généralistes, autrement appelée « médecine de ville ». On accepterait l’idée de laisser sciemment la santé des personnes se dégrader avant de les prendre en charge à des stades aggravés aux Urgences.

Enfin, cela induirait une convergence des patients vers l’Hôpital et les services d’Urgence déjà saturés, et fragilisés financièrement.

Désinfox : de nouvelles limitations d’accès aux soins auraient des conséquences sur la santé individuelle et publique, ainsi que sur l’organisation du système de soins. Plus l’on soigne tôt et agit de manière préventive, plus on limite l’évolution de certaines maladies et empêche la dégradation de l’état de santé et l’engagement du pronostic vital. Une prise en charge tardive survient en urgence avec des hospitalisations complexes et prolongées, dans des structures déjà fragilisées et à des coûts finalement bien plus élevés pour la collectivité.

 

Une mobilisation forte de la société civile et des soignants en soutien à l’AME

L’intérêt et la pertinence de l’AME rencontrent un large consensus auprès du secteur médico-social comme de la communauté scientifique. De nombreux soignants, ainsi que des fédérations et organisations du secteur sanitaire et social ont manifesté publiquement leur opposition à une restriction de l’AME ces derniers mois. Nombre de travaux scientifiques confirment l’importance de l’AME pour la protection de la santé individuelle et collective.

En septembre 2024, huit anciens ministres de la santé de différentes sensibilité politique ont uni leurs voix pour rappeler l’importance de préserver l’AME.

Par ailleurs, un sondage de CSA en novembre 2023 révèle que 60% des Français se déclarent spontanément en faveur de l’AME. Cet attachement progresse de 13 points de pourcentage quand on les informe sur le dispositif.

Médecins du Monde défend une protection maladie réellement universelle

Le dispositif de l’Aide médicale d’État reste essentiel pour l’accès aux soins des personnes sans titre de séjour. Mais sa complexité, le maintien d’un panier de soins réduit, les retards de soins et l’extraordinaire taux de non-recours que le dispositif engendre nous oblige à faire évoluer le système, changer de paradigme et revenir à un accès au système de santé non conditionné à la régularité du droit au séjour.

Médecins du Monde, comme plusieurs institutions, organisations du médico-social, ONG et sociétés savantes, réclament que les bénéficiaires de l’AME soient intégrés dans le régime général de la sécurité sociale, afin d’instaurer sur tout le territoire français une protection maladie réellement universelle.

Nos combats :
Migration, Exil, Droits & Santé

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